Economiquement, la Région wallonne a dix ans

Ce n’est qu’avec le Contrat d’avenir pour la Wallonie, en 1999, et les plans Marshall par la suite que le développement économique a été élevé au rang de priorité. Difficile de rattraper le temps perdu, notamment sur la Flandre…

Pour la Wallonie, l’avènement du gouvernement arc-en-ciel (PS-MR-Ecolo) à l’été 1999 aura marqué une véritable rupture avec le passé.  » La Wallonie a souffert de l’accent longtemps mis sur les problèmes institutionnels à un moment où une politique régionale vigoureuse aurait pu lui être salutaire « , reconnaît le Pr Henri Capron, du département d’économie appliquée de l’ULB (DULBEA).  » La régionalisation des années 1980 donnait à la Wallonie les moyens nécessaires pour réfléchir à la mise en £uvre d’une politique forte de redynamisation de son économie  » Mais, les actions entreprises ont surtout servi à préserver des activités traditionnelles, avec l’idée qu’elles pourraient survivre aux mutations économiques. Il faudra attendre la sortie, en 1999, du Contrat d’avenir pour la Wallonie pour qu’une véritable prise de conscience de la gravité de la situation se manifeste. Depuis, le plan Marshall du gouvernement socialiste-démocrate humaniste de 2004 et le plan Marshall 2. Vert de l’actuelle coalition PS-CDH-Ecolo actu-elle ont renforcé les politiques régionales en faveur de l’économie.

Le directeur du département économique de l’Union wallonne des entreprises (UWE), Didier Paquot, confirme la réalité de la rupture à l’aube des années 2000.

 » Oser la réussite « 

Alors ministre-président de la Région wallonne, Elio Di Rupo n’avait d’ailleurs pas hésité à secouer certaines mentalités en affirmant, lors des Fêtes de Wallonie, qu’il  » fallait oser la réussite « . Une première pour un dirigeant socialiste : il affirmait clairement que le succès ne devait pas être considéré comme suspect et que l’initiative privée devait être encouragée. Philippe Destatte, directeur général de l’Institut Jules Destrée, est moins catégorique. Pour lui, tous les gouvernements wallons qui se sont succédé depuis 1980 ont mis l’accent sur l’économie. D’importantes enveloppes budgétaires ont été consacrées à l’innovation. En 1985, le gouvernement PSC-PRL de Melchior Wathelet avait mis l’accent sur le développement des technologies nouvelles. Didier Paquot confirme le rôle de l’ancien ministre social-chrétien dans le développement des premières spin-offs universitaires et de la politique scientifique wallonne.  » Il avait vu que le développement économique se baserait sur la R&D et l’innovation.  » D’autres responsables ont aussi, selon Philippe Destatte, prôné des relations plus étroites entre acteurs d’un même secteur.  » Les pôles de compétitivité aéronautique ou sidérurgique ne datent pas d’aujourd’hui. On est dans la continuité de ce qui avait déjà été mis sur les rails « , affirme-t-il.

Néanmoins, la Wallonie n’ayant pas profité pleinement de la croissance économique ou des aides européennes pour relancer son activité industrielle, le Contrat d’avenir pour la Wallonie et le plan Marshall ont réussi à rassurer les entrepreneurs. Didier Paquot (UWE) rappelle le rôle positif joué de 1999 à 2004 par le ministre de l’Economie, Serge Kubla (MR), et son chef de cabinet… Rudy Aernoudt dans le développement d’initiatives en direction du monde entrepreneurial, qui, jusqu’alors, se sentait esseulé. Aujourd’hui, les entrepreneurs et porteurs de projets se sentent encouragés par le pouvoir politique. Celui-ci n’essaie plus d’imposer mais tente de faciliter les relations entre l’administration, l’entreprise, les universités et les centres de recherche. C’est un début. Les patrons attendent encore des progrès en matière d’aménagement du territoire et de l’adéquation entre enseignement, formation et emploi.  » Entre 80 000 et 100 000 emplois du secteur marchand ne trouvent pas de candidats. C’est un handicap économique majeur. Il faudrait une révolution positive, une mutation profonde et radicale « , note Philippe Destatte, qui en appelle à une grande réflexion sur l’enseignement.

Henri Capron met en garde contre une révolution menée à la légère.  » Il faut laisser aux Régions faire les choix qu’elles jugeront les plus judicieux. Par contre, il faut une mutation culturelle en Wallonie. Liège et Charleroi doivent demeurer des bassins de premier ordre pour le redéploiement wallon. Il ne faut plus les opposer ; il faut tout faire pour leur relance. Ils ont une faculté d’entraînement importante. « 

Un changement de mentalités

La Région wallonne retrouve des couleurs. Elle n’est plus le parent pauvre qu’elle a pu être dans un passé récent. Sa croissance n’est pas moindre que celle de ses voisines ; ses exportations ont mieux résisté à la crise ; le taux de création d’activités y est légèrement supérieur qu’en Flandre. L’emploi et le taux de chômage restent toutefois les points noirs. Mais, soulignent tous les interlocuteurs, le changement de mentalités s’opère à tous les niveaux.  » La Wallonie ne peut être bonne en tout, affirme Henri Capron. Par contre, on a mis fin au saupoudrage. La mise en place de pôles de compétitivité (au nombre de six) est une bonne chose. Toutefois, il ne s’agit que d’une étape. Il faudra encore faire des choix stratégiques. Tous les pôles ne sont pas appelés à connaître le même succès.  » Le paysage économique wallon est très largement dominé par des entreprises de petite taille (85 % emploient moins de 10 personnes, 12,6 % moins de 50 personnes). Or, dans certains domaines (pharmacie, chimie, biotechnologie), la taille est un facteur de réussite important dans un contexte de concurrence internationale exacerbée. Mais, peut-on se focaliser sur ces seuls secteurs et risquer un contrecoup fatal en cas de délocalisation ?

A l’heure des discussions institutionnelles, la Wallonie a des atouts à faire valoir. Elle est sur la bonne voie ; les signaux positifs se multiplient, estiment Henri Capron et Philippe Destatte. Et de rappeler que, certes, la Flandre a pu capitaliser sur les investissements étrangers des années 1950 mais est-elle, pour autant, parée pour une nouvelle ère entrepreneuriale ?

DIDIER GROGNA

 » entre 80 000 et 100 000 emplois du secteur marchand sans candidats

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