Donné, c’est donné ? Eh bien non !

La personne à qui vous aviez fait une donation décède avant vous. Si vous aviez prévu le « droit de retour conventionnel », vous pourrez récupérer ce que vous lui aviez donné. Explications

Vous avez décidé d’avantager une personne en lui faisant une donation d’un immeuble, de meubles, d’actions, d’obligations, d’une somme d’argent… Vous vous interrogez cependant sur le sort de cette donation dans le cas où cette personne décéderait avant vous. Dans cette hypothèse, vous préféreriez peut-être retrouver des droits sur le bien donné. En effet, vous avez voulu avantager une personne, mais pas nécessairement ses héritiers qui, de votre vivant, deviendraient propriétaires des biens que vous aviez donnés.

Est-ce possible ? La loi le permet à condition de l’avoir expressément prévu. Il s’agit de la clause appelée  » droit de retour conventionnel « . D’après le texte de la loi, la donation est un acte par lequel le donateur (la personne qui donne) se dépouille de ce qu’il donne au profit du donataire (la personne qui reçoit). Ce dépouillement immédiat n’empêche cependant pas la possibilité de retrouver des droits sur ce qui a été donné.

1. Le droit de retour conventionnel

Il s’agit tout simplement d’un retour, au donateur, de ce qui a été donné. Par exemple, vous faites une donation d’un appartement à votre neveu et vous redevenez propriétaire de cet appartement si votre neveu décède avant vous par l’effet du retour conventionnel. La loi précise d’ailleurs que ce retour ne peut être prévu qu’en faveur du donateur, et non d’une autre personne. S’il y a plusieurs donateurs, il n’est pas obligatoire que le droit de retour soit prévu en faveur de tous. Il peut très bien n’être prévu qu’en faveur de l’un d’eux, mais à concurrence uniquement de ce qu’il a personnellement donné.

2. Dans quelles hypothèses le donateur peut-il prévoir une clause de  » retour conventionnel  » ?

Le donateur ne peut prévoir une clause de retour conventionnel que dans les hypothèses suivantes.

– Le prédécès du donataire, sans autre condition. Dans ce cas, le droit de retour opère dès le décès du donataire. Le donateur redevient propriétaire du bien donné (ou usufruitier, ou nu-propriétaire si tel était son droit initial).

– Le prédécès du donataire et de ses descendants. Dans ce cas, le droit de retour n’opère que si le donataire et ses descendants décèdent tous avant le donateur.

– Le prédécès du donataire sans descendance. Dans ce cas, le droit de retour n’opère que si le donataire décède avant le donateur et qu’il n’a pas laissé de descendance. S’il laisse une descendance, le droit de retour n’opère pas et n’aura aucun effet (même si ses descendants devaient décéder par la suite avant le donateur).

3. Les effets du retour conventionnel

Ces effets sont radicaux. En effet, le droit de retour conventionnel constitue une  » condition résolutoire « , c’est-à-dire qu’elle annule la donation. Cette annulation a lieu avec un effet rétroactif : elle sort ses effets au jour même de l’acte de donation de telle sorte que le donataire sera censé n’avoir eu aucun droit sur ce qu’il a reçu ! Le donateur retrouve la propriété du bien comme s’il avait toujours été propriétaire, donc sans perception de droits d’enregistrement ou de succession sur l’opération de retour.

4. En attendant de savoir si le retour conventionnel s’exercera, de quels droits le donataire dispose-t-il ?

Tant que le droit de retour n’opère pas, le donataire dispose de droits ordinaires, comme tout propriétaire. Cependant, il est propriétaire sous condition résolutoire, et sa propriété dépendra de son éventuel prédécès par rapport au donateur.

En raison de l’effet rétroactif, les actes qui auront été accomplis par le donataire risquent ainsi d’être annulés. Prenons les exemples suivants :

– Si le donataire a vendu l’immeuble qu’il a reçu et que le retour conventionnel sort ses effets, la vente sera censée n’avoir jamais existé et l’acheteur n’avoir jamais été propriétaire ! Pour éviter une telle situation, le notaire qui établira l’acte de vente de l’immeuble veillera à faire intervenir le donateur, afin qu’il renonce à exercer son droit de retour conventionnel sur l’immeuble, quitte à continuer à l’exercer sur le prix de vente. L’acquéreur sera dès lors assuré de rester propriétaire de l’immeuble acheté. Bien entendu, le donateur pourrait également, à cette occasion, préférer renoncer purement et simplement à son droit de retour conventionnel.

– Si le donataire a hypothéqué l’immeuble reçu en faveur d’une banque et si le retour conventionnel se réalise, la banque sera censée n’avoir jamais bénéficié de l’hypothèque consentie par le donataire. Dans ces conditions, aucune banque n’accepterait de consentir un crédit garanti par une hypothèque sur un immeuble donné avec droit de retour conventionnel. Différentes solutions peuvent être envisagées dans la pratique :

– La banque pourrait demander au donateur d’intervenir afin de s’engager à consentir lui-même une hypothèque dans le cas où il bénéficierait du droit de retour conventionnel. Dans ce cas, notons que la banque ne sera pas à l’abri de tout risque puisqu’elle sera soumise aux risques d’insolvabilité du donateur.

– Le donateur pourrait également intervenir pour renoncer à son droit de retour conventionnel, mais uniquement dans le cadre de l’hypothèque. Si l’immeuble devait être vendu dans le cadre d’une saisie, le donateur ne pourrait plus exercer son droit de retour (sauf à l’exercer éventuellement sur la contre-valeur de l’immeuble, ce qui semble compromis en pratique si le donataire est saisi), et l’acheteur serait assuré de garder l’immeuble. Par contre, le donateur garderait son droit de retour dans les autres hypothèses.

– Enfin, le donateur pourrait également renoncer purement et simplement à son droit de retour conventionnel.

En conséquence, comme les tiers (acquéreur, banque…) subiront les effets de la rétroactivité, le donataire sera très limité dans l’exercice de ses droits sauf intervention du donateur.

Toutefois, ce constat doit être nuancé :

– Certains actes d’administration (par exemple la conclusion d’un bail) pourront être posés sans craindre les effets de la rétroactivité et le donataire pourra également conserver les fruits du bien reçu (par exemple les loyers, dividendes, intérêts…), du moins ceux échus avant la date du retour conventionnel.

– En outre, si le donataire a reçu des biens meubles (argent liquide, titres, objets mobiliers…) et qu’il les cède à un tiers, celui-ci sera assuré d’en rester propriétaire, sauf à prouver qu’il était de mauvaise foi, c’est-à-dire qu’il connaissait l’existence de la clause de retour conventionnel.

– Il est toujours possible de prévoir des réserves dans la clause de retour conventionnel pour éviter l’intervention du donateur lors de certaines opérations faites par le donataire (vente, hypothèque…). En effet, si le donateur souhaite qu’une clause de retour conventionnel soit insérée dans la donation, il peut, par exemple, préciser que ce retour conventionnel ne portera pas sur le bien donné, mais seulement sur sa contre-valeur.

5. Le rôle du notaire

En principe, toute donation peut contenir une clause de retour conventionnel.

Dans les donations d’immeubles, qui sont réalisées par acte notarié, votre notaire vous informera précisément sur l’utilité d’insérer une clause de retour conventionnel dans l’acte de donation et sur les possibilités d’adapter cette clause à votre situation de donateur ou de donataire.

Il vous conseillera sur les possibilités de moduler cette clause en fonction de votre situation et de vos attentes. Il envisagera notamment le sort du droit de retour en cas de vente ou d’hypothèque par le donataire.

Faut-il accorder au donataire une plus grande latitude, en prévoyant que le droit de retour conventionnel portera sur la contre-valeur du bien donné, plutôt que sur le bien lui-même, ce qui lui permettra de vendre ou d’hypothéquer sans l’accord du donateur à ce moment ? Quels critères retenir pour établir le montant de la contre-valeur ? Si le donateur décède en laissant un conjoint survivant, ne faut-il pas permettre à celui-ci de conserver des droits sur le bien donné sa vie durant ?

Par ailleurs, le donateur ne perdra pas de vue les effets du retour conventionnel : s’il retrouve la propriété du bien donné sans devoir payer de droits dans la succession du donataire, il se retrouve également dans la même situation que si la donation n’avait jamais eu lieu. Or, dans la plupart des cas, le donateur fait donation en vue de préparer sa succession, en transmettant ses biens de son vivant et en faisant courir le délai de trois ans au-delà duquel il n’est plus tenu compte du bien donné dans le calcul des droits de succession. Le retour du bien donné dans le patrimoine du donateur annulera également le délai de trois ans qui avait commencé à courir à partir de l’acte de donation. Si l’intention du donateur était de préparer sa succession, il retrouvera donc le même souci, parfois longtemps après la première donation, avec l’obligation de tout recommencer.

Une donation est un acte important. Il convient donc d’envisager ses modalités, afin d’éviter des effets non souhaités.

Philippe Degrooff

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