Torse d'Adèle, Auguste Rodin, 1878 © musée Rodin/photo : Christian Baraja

Divin Rodin

Décédé il y a cent ans, Rodin nous en met toujours plein les sens. Célébré au cinéma dans le film éponyme de Jacques Doillon, l’immense créateur est aussi fêté au Grand Palais, à Paris.

C’est une exposition en forme d’ombre portée que propose le Grand Palais pour célébrer le centenaire de la mort d’un géant. Auguste Rodin (1840-1917), celui dont on pensait avoir déjà tout vu, tout lu et tout compris, y est présenté comme celui qui a rendu vie à la sculpture en déployant ses nombreux talents. Déjà mondialement renommé de son vivant, il fascine ensuite chaque génération en imprimant sa marque dans le temps. Naturaliste, impressionniste, expressionniste, symboliste, moderniste : Rodin est partout et dans tout, révélant le caractère protéiforme d’une oeuvre qui a ouvert grand la porte aux innovations du xxe siècle. Revisitant toutes les facettes de la sculpture, de l’assemblage à la figure partielle en passant par le collage, il annonce aussi bien Picasso et Matisse que les expressionnistes allemands, ou encore le travail de Brancusi et de Moore par son usage audacieux de la photographie. Ce sont ces mutations du regard, ainsi que les relations de Rodin au public, à une époque où le marché de l’art est en pleine expansion, qu’ont mises en avant Catherine Chevillot et Antoinette Le Normand- Romain, commissaires de l’exposition.

Expérimentations virtuoses

Plus de trois cents oeuvres jalonnent un parcours qui se déploie sur deux niveaux selon une discrète scénographie quelque peu décevante. Pour s’approcher des sculptures et leur tourner autour, mieux vaut éviter les jours de grande affluence, où l’étroitesse des galeries confine à l’étouffement. D’autant que les vrais trésors pourraient facilement passer inaperçus : sans hésiter, il s’agit des opus présentés dans la pénombre des deux cabinets graphiques du Palais. Dans le premier, les  » dessins noirs  » du maître, réalisés pour ses recherches autour de la célébrissime Porte de l’Enfer (1880-1885), sont mis en tension avec ceux d’artistes comme Joseph Beuys, Jean Fautrier ou Jean-Paul Marcheschi. Le second montre les dessins de l’exposition triomphale organisée à Prague en 1902, soulignant la simplification des formes opérée chez Rodin, dont l’aboutissement est sa magistrale statue de Balzac, refusée de son vivant par la Société des gens de lettres, et qui amorce la libération formelle de la sculpture au xxe siècle.

Longtemps méprisées par les historiens, les épreuves en plâtre qu’affectionnait l’artiste sont revalorisées tout au long du parcours, ainsi que les innombrables déclinaisons autour d’un même thème – multiplié, agrandi ou fragmenté à toutes les sauces par Rodin. C’est ainsi qu’il dégage peu à peu la sculpture de sa notion traditionnelle de complétude, parvenant à la  » figure partielle  » vers 1895 en déclarant que, privées de tête ou de bras, des figures peuvent être vues comme complètes, comme Le Torse de l’homme qui marche ou Le Torse de jeune femme cambrée. Ce sont ces géniales expérimentations, ces fulgurances et ces bonds en avant, à pieds joints dans le siècle à venir, qui mèneront Rodin à une postérité que personne ne songerait à lui contester. Actuellement incarné au cinéma par Vincent Lindon, Rodin scintille surtout au firmament d’une exposition qui le montre entouré des plus grands, d’Odilon Redon à Antony Gormley en passant par Germaine Richier et Georg Baselitz. Du sublime, auquel il ne faut pas hésiter à consacrer du temps !

Rodin. L’exposition du centenaire, jusqu’au 31 juillet prochain, au Grand Palais, à Paris. www.grandpalais.fr

Par Aliénor Debrocq, à Paris

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