© ISTOCK

Dis-moi ce que tu as dans l’intestin, je te dirai…

Notre corps peut se concevoir comme une superstructure abritant une multitude de micro-organismes. Pour qu’il soit en bonne santé, tout cet écosystème doit rester en équilibre !

On trouve dans et sur le corps humain des milliards de bactéries, virus, champignons et levures. Présents sur la peau, sur les muqueuses et dans l’intestin, ces passagers invisibles seraient au moins dix fois plus nombreux que nos propres cellules ; il y en aurait environ 10.000 espèces différentes, majoritairement des bactéries. Ces micro-organismes représentent de 1 à 3 % de notre poids corporel, soit environ 2 kg pour un adulte de 70 kg. Ils forment avec leur hôte un véritable écosystème : il existe entre l’humain et ses microbes une cohabitation généralement pacifique où chacun a besoin de l’autre. Certaines bactéries présentes dans nos intestins contribuent par exemple à décomposer les nutriments et nous permettent ainsi d’en absorber plus facilement les constituants, tandis que d’autres produisent elles-mêmes des vitamines ou des substances anti-inflammatoires.

Effet de mode ?

Cette  » (micro)flore « , que l’on désigne plus volontiers aujourd’hui par le nom de microbiome, suscite depuis quelque temps un intérêt considérable. On en veut pour preuve l’évolution du nombre de publications scientifiques qui lui sont consacrées : d’un peu plus de 300 articles entre 2006 et 2010, à plus de 11.000 entre 2011 et 2017.

Le microbiote intestinal, en particulier, est plus que jamais à la mode, et la presse grand public relaie avidement les centaines d’études observationnelles qui cherchent (et trouvent) un lien entre la présence de certaines bactéries et l’état de santé… que l’on interprète malheureusement trop souvent à tort comme une relation de cause à effet. La qualité du microbiote intestinal a ainsi par exemple été associée à celle du sommeil, de la mémoire et même de l’humeur. De quoi alimenter dans la foulée tout un marché de suppléments alimentaires censés avoir un impact sur la santé, et souvent commercialisés sans guère de preuves ni de scrupules… Partout dans le monde, les investissements dans ce nouveau secteur à la mode vont bon train : entre 2005 et 2015, les firmes américaines à elles seules ont injecté pas moins de 1,6 milliard de dollars dans des  » thérapies  » innovantes basées sur le microbiote, principalement des suppléments alimentaires à base de prébiotiques et probiotiques.

Jusqu’ici, les résultats restent pourtant mitigés – et ce n’est pas étonnant, sachant combien ce microbiote est difficile à étudier. Il ne possède en effet pas de composition fixe et les espèces bactériennes en présence peuvent varier fortement au fil du temps, même chez un individu donné. La moindre cure d’antibiotiques peut par exemple le bouleverser en profondeur (et, surtout, éclaircir considérablement ses rangs). Si les scientifiques sont largement convaincus qu’une flore (intestinale) saine est importante pour la santé, personne ne sait donc finalement très bien comment elle devrait se présenter…

Greffe de matière fécale

L’étude du microbiote intestinal a malgré tout aussi livré l’un ou l’autre traitement éprouvé. Parmi ceux-ci, la greffe de matière fécale qui a donné des résultats proprement spectaculaires en cas d’infection intestinale à Clostridium difficile résistant. Cette bactérie se montre particulièrement coriace et peut provoquer des diarrhées persistantes qui ne répondent pas toujours aux antibiotiques existants (raison pour laquelle on les qualifie de résistantes). La fameuse greffe consiste à introduire des matières fécales diluées provenant d’un sujet en bonne santé dans l’intestin du patient à l’aide d’une sonde introduite par la bouche ou par l’anus. Le but consiste à rétablir ainsi la composition normale de la flore intestinale (les microbes de l’intestin se retrouvent en effet aussi dans les selles).

Il faut savoir que chez bien des individus, Clostridium difficile est présent dans l’intestin sans provoquer de symptômes ; ce n’est que lorsque son hôte est affaibli (p.ex. à l’occasion d’une hospitalisation pour cause de maladie chronique) qu’il risque de proliférer et de provoquer des diarrhées réfractaires. Une greffe de matière fécale peut alors rétablir très rapidement l’équilibre intestinal. Jusqu’ici, il s’agit de la seule thérapie basée sur le microbiote dont l’efficacité a été scientifiquement démontrée. Après ce premier succès, la greffe de matière fécale a été testée dans nombre d’autres indications chez l’Homme, jusqu’ici sans résultat.

Dis-moi ce que tu as dans l'intestin, je te dirai...
© ISTOCK

Des études sur les souris

Plusieurs études menées sur des souris semblent indiquer que certaines souches de bactéries intestinales jouent un rôle intéressant à exploiter. Ainsi, le Pr Patrice Cani (UCL), grand spécialiste international du microbiote intestinal, est sur la piste d’ Akkermansia muciniphila. Selon ses dernières recherches, elle est présente en quantités moindres chez les personnes obèses et diabétiques. Cela pourrait être lié à son rôle clé dans la perméabilité de la barrière intestinale et de là, dans les processus inflammatoires et les désordres métaboliques. Lien de cause à effet ? Les réponses attendent des confirmations… Mais on rappelle que l’on ne parle encore que de souris !

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Contenu partenaire