Deux oeuvres que tout sépare au Middelheim

Guy Gilsoul Journaliste

Il y a plus de quarante ans entre Le Jeu d’échecs de Vic Gentils réalisé en 1967 et Firmament III d’Antony Gormley. Analyse.

Anvers, Parc du Middelheim. Jusqu’au 5 mai. Tous les jours sauf le lundi de 10 à 17 heures. En avril, jusqu’à 19 heures. www.middelheimuseum.be

Notons jusqu’au 4 mai, une exposition personnelle de Gormley Galerie Xavier Hufkens à Bruxelles. www.xavierhufkens.com

Les 32 figures du jeu d’échecs de Vic Gentils présentées dans le Pavillon Braem du Middelheim à Anvers sont faites de balustres et moulures assemblés à d’autres fragments de bois : pieds tournés, moules à chapeau, caisses de pendules, portes d’armoires et roues de charrettes. Sur le vaste échiquier, les pions se font face. Dans un des clans, les fous sont espiègles, dans l’autre, vaniteux. Les cavaliers renvoient ici aux carrousels anciens, là aux béliers de l’art mésopotamien. Le roi foncé porte un masque de scaphandrier. Sa reine, un masque d’escrime. Si l’artiste anversois (1919-1997) a débuté comme peintre, l’exploration des possibilités offertes par l’art de la récupération l’ont amené à construire des reliefs abstraits dès la fin des années 1950. Mais très vite, son sens flamand du réel et particulièrement sa fascination pour le portrait ont pris le dessus. Dans cette pièce de 1967, à la façon des expressionnistes, le type humain l’emporte sur l’individu. Le Jeu d’échecs permet de réunir un condensé des caractères et ce, sur fond de conflit latent. Un vrai programme politique imaginé à l’heure du conflit entre Flamands et francophones sur le campus de l’université de Louvain.

L’autre oeuvre, Firmament III de l’Anglais Antony Gormley (né en 1950) installée dans le parc, s’inscrit dans une toute autre forme d’humanisme. L’artiste flamand était plutôt  » terre à terre « . L’Anglais, imprégné par la pensée spiritualiste orientale, vise moins la représentation d’un type que le corps en soi et plus encore ce qui le fait vivre et le relie aux autres, le souffle. Firmament III est ainsi construite à la façon d’un maillage tridimensionnel irrégulier. Sa structure ne doit rien au hasard, mais plutôt à la science du vivant puisqu’elle emprunte à la géométrie aléatoire des mousses et des bulles. L’étrange grillage pourrait remplir la totalité du monumental parallélépipède. En réalité, l’artiste ménage un grand vide central dans lequel on devine la présence d’un corps en apesanteur dix fois plus grand que nature. Cette  » peau  » en tétraèdres irréguliers se retrouve dans une série de figures installées dans  » La Maison « , un pavillon ouvert sur le jardin Hortiflora dans lequel la disposition des pièces (au bas d’un socle, dans un coin, sur le toit…) suggère au visiteur non plus d’observer les reliefs de la pièce (comme chez Gentils) mais d’en faire le point de départ d’une exploration du vide et de l’enveloppe architecturale si particulière du lieu.

GUY GILSOUL

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