Pour la défense de l'URSS, © ©NE BOLTAI ! COLLECTION, PRAGUE

Design en marche

Organisée en partenariat avec le musée du design de Moscou, l’expo visible cet été au ADAM explore l’un des courants d’avant-garde les plus originaux du xxe siècle – le constructivisme -, cent ans après la révolution russe.

Il y a tout juste un siècle s’effondrait l’empire russe et débutait une ère nouvelle, bercée d’espoirs et gonflée d’illusions. Au lendemain de la révolution de 1917, la toute jeune Russie soviétique cherche à jeter les bases d’un langage visuel reflétant ses idéaux révolutionnaires. Ainsi naîtront des créations remarquables véhiculant un message politique et servant d’outil de propagande au nouveau régime durant deux décennies, avant que ses dirigeants ne fassent machine arrière. Art et politique : un double programme radical qui ouvre alors la porte aux audaces visuelles les plus variées – triomphe de la typographie, naissance du design, photomontages et assemblages. Autant d’innovations graphiques et esthétiques dont les répercussions sont toujours visibles.

Explorant l’identité visuelle du mouvement constructiviste soviétique, la nouvelle exposition du musée Adam (pour  » Art and Design Atomium Museum « , inauguré voici deux ans) montre à quel point cet outil culturel de la révolution russe était résolument moderne. Si le constructivisme avait pour ambition première de toucher tous les domaines de l’art et de la vie, son impact se limitera finalement au papier : les consommateurs russes n’étaient pas préparés au mobilier, aux équipements domestiques ni aux vêtements minimalistes, et seul le design graphique cristallisera les ambitions de ces artistes à travers l’élaboration d’affiches, de cartes postales, de couvertures de livres et de magazines. Ce sont ces exemples graphiques réalisés par des artistes tels qu’Alexandre Rodchenko, Varvara Stepanova, Gustav Klucis, El Lissitzky, Sergei Senkin et bien d’autres qui sont visibles à Bruxelles dans The Paper Revolution, présentés de façon minimale dans des vitrines thématiques. L’idée que l’art comme pratique élitiste allait mourir une fois que tous les prolétaires auraient les moyens de s’exprimer trouvera en quelque sorte son aboutissement dans la pratique du photomontage anonyme : professionnels et amateurs s’y essaieront à travers tout le territoire russe, combinant lettrages et éléments géométriques en d’innombrables compositions inventives.

Icônes médiévales

Se proposant d’illustrer l’utopie socialiste en devenant le porte-voix de la révolution prolétarienne, le constructivisme a emprunté différentes voies au cours des années 1920. L’exposition le montre par l’épanouissement de la presse écrite, devenue moyen de diffusion de la parole messianique de Lénine, ou en décryptant comment le suprématisme abstrait de Malevitch s’est transformé en design  » ornemental « . Comble du paradoxe de cette  » révolution de papier « , les icônes politiques exploitées dans l’art de l’affiche et du photomontage aboutiront à un art de propagande où ces mêmes artistes qui rejetaient la peinture académique se mirent à réaliser des compositions inspirées des icônes médiévales, dans lesquelles les représentations gigantesques des dirigeants côtoient la masse anonyme du peuple soviétique. Quand l’héritage se déguise en rupture et sonne le glas d’une liberté qui n’aura duré que peu de temps…

The Paper Revolution. Soviet Graphic Design & Constructivism (1920-1930), Adam Brussels Design Museum, à Bruxelles, jusqu’au 8 octobre. www.adamuseum.be

PAR ALIÉNOR DEBROCQ

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