La salive de la tique intéresse les scientifiques pour ses propriétés anti-inflammatoires. © getty images

Des tiques contre la Covid?

C’est souvent par hasard que l’on découvre une tique, la tête enfouie dans notre chair. Alors que le parasite se repaît de notre sang, rien, pas un petit pincement n’est venu signaler qu’il enfonçait ses dents dans l’épiderme. Cette capacité à mordre sans se faire repérer, la tique la doit à des protéines qu’elle sécrète et qui suppriment la réponse inflammatoire de son hôte. Dénommées évasines, elles lui permettent ainsi d’échapper à la détection immunitaire du corps. Ces propriétés suscitent un intérêt grandissant parmi la communauté médicale, qui voit là une piste prometteuse pour la production de traitements luttant contre les inflammations. Notamment celles de la Covid-19.

D’habitude, lors d’une infection ou d’une morsure quelconque, des molécules sanguines appelées chimiokines avertissent le corps que des globules blancs sont nécessaires pour combattre une maladie potentielle. Mais lors d’une morsure de tique, les évasines produites par l’insecte se lient aux chimiokines, les empêchant de tirer la sonnette d’alarme et de ne provoquer une inflammation qu’à l’endroit de la morsure. Cette capacité inhibitrice serait d’autant plus forte que des groupements sulfates sont attachés aux molécules d’évasine. Une découverte récente de Charlotte Franck, chercheuse belge effectuant son doctorat à l’université de Sydney.

La salive de tique est composée d’un grand nombre de molécules diverses. Dans ce mélange, il est difficile d’isoler les évasines afin de les tester au laboratoire. « Pour surmonter cela, nous avons construit des protéines évasines à partir de rien, en ayant recours à la chimie synthétique. C’est une première », explique la doctorante, auteure d’une publication à lire dans la revue de référence Pnas( Proceedings of the National Academy of Sciences).

« Nous essayons désormais de concevoir des molécules d’évasine dotées de groupements sulfates afin d’accroître leur aptitude à se lier aux chimiokines, et donc d’augmenter leur capacité inhibitrice. Ensuite, nous pourrons explorer leur efficacité dans une étude clinique », poursuit Charlotte Franck. La modification structurale résultant de l’ajout de groupements sulfates devrait également améliorer la stabilité des évasines dans le sang: de quoi ouvrir la voie à une production industrielle de médicaments anti-inflammatoires.

Jusqu’alors, des études sur animaux ont montré que les protéines évasines non dotées de groupements sulfates avaient d’excellentes propriétés anti-inflammatoires dans des cas de fibrose pulmonaire et de colite. Leur intérêt va désormais au-delà de ces pathologies. Or, on sait que les chimiokines sont des facteurs d’inflammation pulmonaire dans la Covid-19. « Cela vaudra la peine d’explorer la manière dont les évasines pourraient être utilisées pour traiter les symptômes de cette maladie. En tout cas, il est tout à fait possible que nos protéines de tiques sulfatées, ou des variantes modifiées de celles-ci, puissent trouver à l’avenir une application pour un large nombre de maladies inflammatoires », conclut le professeur Richard Payne, directeur adjoint du Centre d’excellence pour les innovations en science des peptides et des protéines (Cipps).

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