Des femmes comme des fleurs

Guy Gilsoul Journaliste

Jules Chéret (1836-1932), le plus célèbre des affichistes de la fin du XIXe siècle, était aussi portraitiste et décorateur. Manet l’appelait le  » Watteau des rues « . A voir au musée d’Ixelles.

Son plus grand plaisir : dessiner de jolies femmes, leur donner la légèreté des fleurs et la sensualité des parfums rares. Alors, du tout frétillant Paris nocturne, il tire des affiches virevoltantes, colorées à souhait de rouge, de jaune et de bleu, le tout traversé par de subtils voilages. Ses commanditaires : les Folies-Bergère, les Bouffes parisiennes, les spectacles de cirque ou encore les pantomimes du musée Grévin. Mais aussi le monde de l’industrie et son cortège de nouveaux produits dont il assure la  » réclame  » : la  » Saxoléine « , une marque de pétrole, le quinquina Dubonnet ou les pastilles Géraudel contre la toux. En tout, des milliers d’affiches collées d’abord, bord à bord, le long des palissades, sur les murs pignons, les kiosques à journaux, les colonnes lumineuses ou encore les tramways. L’époque du baron Haussmann est aussi celle d’un Paris nouveau qui prend goût aux plaisirs de la vie nocturne et du consumérisme. L’£uvre de Jules Chéret en est un beau miroir.

Londres

Son père, typographe, avait vite compris l’avantage qu’un artisan habile pourrait tirer du nouveau procédé de la lithographie et de son exploitation dans le domaine public. A 13 ans, le gamin est apprenti. Bientôt, il travaille dans la production d’images religieuses et, parallèlement, suit des cours de dessin. Mais comme c’est à Londres que la technique lithographique s’est développée de manière industrielle, là aussi qu’elle produit déjà des affiches en couleurs, Jules Chéret traverse la Manche et s’informe. Dès 1858 – il a 22 ans -, il produit une affiche aussitôt remarquée pour un spectacle d’Offenbach, Orphée aux Enfers. Il lui manque cependant l’argent nécessaire à l’achat des machines anglaises. C’est alors qu’il rencontre un mécène dans la personne du parfumeur Rimmel pour lequel il va réaliser des étiquettes de chromos ou encore des enveloppes parfumées. L’entreprise prend son envol dès 1866 et comptera jusqu’à 80 ouvriers. Mais voilà, Chéret est un artiste, pas un manager. En 1881, il vend son entreprise, mais sa réputation est faite : il est, comme le dira Manet, le  » Watteau des rues « .

 » Le roi de l’affiche « 

L’originalité de son style ne s’inscrit cependant pas dans la modernité, mais dans un subtil mélange entre le japonisme et le XVIIIe siècle des peintres. Watteau, Fragonard et Tiepolo sont ses maîtres. Comme eux, Chéret aime le mouvement des tissus et des corps lorsqu’ils ont la grâce des danseurs ou des anges. En 1889, à l’occasion de l’Exposition universelle de Paris, une présentation de ses  » £uvres  » au Champ de Mars le sacre  » roi de l’affiche « . Elle hisse surtout l’affiche lithographiée au rang des £uvres que l’on collectionne et que l’on expose désormais dans son salon au même titre que le dessin ou la peinture. Or, cette même année, dans un théâtre de ses amis, il expose une part inédite de son travail : des portraits et des allégories réalisées au pastel. Du coup, des amateurs voient en lui un peintre digne de figurer parmi les meilleurs, mais, avant tout, un peintre décorateur. Du papier peint aux tissus de garnisseurs en passant par les tapisseries (pour les Gobelins), il s’exprime ainsi désormais au c£ur des logis. A Evian d’abord, à Neuilly ensuite puis à Nice, Chéret va couvrir des murs entiers de ses compositions aussi fruitées qu’insouciantes.

La Belle Epoque de Jules Chéret. De l’affiche au décor. Musée d’Ixelles, 71, av. Van Volsem. Jusqu’au 20 mai, du mardi au dimanche, de 9 h 30 à 17 heures. www.museedixelles.irisnet.be

GUY GILSOUL

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