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Des copies non-conformes

À l’instar des médicaments génériques, les biosimilaires sont des copies de spécialités pharmaceutiques originales… mais des copies pas tout à fait identiques. D’où viennent ces différences, et risquent-elles d’influencer la qualité, la sécurité et l’efficacité du traitement ?

Lorsque le principe actif d’un médicament – comprenez, la molécule responsable de l’effet clinique souhaité – est une substance chimique dont la production repose sur un processus industriel, il est possible d’en réaliser des copies parfaitement identiques. Moyennant les connaissances et l’équipement nécessaires, c’est tout à fait à la portée d’une firme concurrente. C’est ainsi que des médicaments génériques peuvent apparaître sur le marché après expiration du brevet de la spécialité originale ou  » médicament de référence « .

Dans ce cas de figure, le principe actif des génériques est exactement celui du médicament de référence. Il ne doit plus faire la preuve de son effet, puisque le fabricant du produit de référence en a déjà apporté la preuve au travers d’études cliniques très pointues (et coûteuses). C’est aussi pour cette raison que les génériques peuvent être commercialisés à des prix plus bas.

Ce principe actif doit toutefois évidemment encore être combiné avec d’autres substances pour en faire un produit qui puisse être administré aux patients, comme un comprimé par exemple. Le producteur du générique peut utiliser pour cela des excipients et formulations différents de ceux de la spécialité originale. Dans ce cas, il devra encore prouver que le principe actif de sa copie est absorbé dans la même mesure et aussi rapidement que celui du médicament de référence.

Une source de production vivante

Certains principes actifs ne peuvent toutefois pas être fabriqués au moyen de processus chimiques classiques, par exemple parce qu’ils sont trop complexes. Grâce aux innovations biotechnologiques intervenues à partir des années 1980, il est toutefois possible de produire par des voies biologiques une foule de molécules tantôt relativement simples (comme l’insuline ou l’hormone de croissance), tantôt hautement complexes (comme certains facteurs de coagulation, des anticorps monoclonaux…). Il s’agit majoritairement de protéines utilisées dans le traitement de maladies graves ou chroniques, dont notamment le diabète, les affections auto-immunes et les cancers.

 » Lorsqu’un principe actif repose sur un processus de production biologique, il n’est pas fabriqué à partir d’ingrédients chimiques mais d’une source de production vivante, qui peut varier de manière naturelle « , explique le Pr Paul Declerck, doyen de la faculté des sciences pharmaceutiques de la KU Leuven.  » Des cellules vivantes sont ainsi modifiées grâce à la biotechnologie pour leur permettre de produire la molécule voulue lorsqu’elles sont placées dans des conditions bien précises. Maintenir celles-ci dans des limites étroites représente un défi considérable, qui impose de surveiller de très nombreux paramètres. Et même ainsi, la molécule ‘livrée’ par les cellules présentera inévitablement une certaine variabilité. Certaines petites variations structurelles ou fonctionnelles sont d’ailleurs autorisées, pour autant que la qualité, la sécurité et l’efficacité du médicament restent inchangées.  »

Le premier biosimilaire a été approuvé dans l'UE, en 2006, plus d'une cinquantaine d'autres ont suivi... et aucun n'a jusqu'ici dû être retiré du marché pour cause de problèmes de sécurité ou d'efficacité.
Le premier biosimilaire a été approuvé dans l’UE, en 2006, plus d’une cinquantaine d’autres ont suivi… et aucun n’a jusqu’ici dû être retiré du marché pour cause de problèmes de sécurité ou d’efficacité.© GETTY

Largement équivalents

Le principe actif d’un médicament biologique original n’est donc pas une molécule parfaitement définie, mais une collection de variantes de cette molécule. Pour en réaliser une  » copie « , une firme concurrente devra mettre sur pied un processus de production biologique comparable, ce qui n’est déjà pas une mince affaire du fait de la variabilité et de la complexité de ce dernier… et en plus, elle ne pourra généralement pas partir du même matériel biologique !

 » La copie biosimilaire reconnue d’un médicament biologique offre fort heureusement toutes les garanties nécessaires en termes de qualité, de sécurité et d’efficacité, tout comme n’importe quel autre médicament qui accède au marché au terme de la procédure d’enregistrement, souligne Paul Declerck. Si son effet clinique ne sera pas identique à 100% à celui du produit de référence, il doit par définition posséder des propriétés qualitatives largement équivalentes, démontrées par des tests de laboratoire puis confirmées par des essais cliniques (limités). C’est cette différence qui explique que, lorsqu’il est question de copies de médicaments biologiques, on ne parle pas de génériques mais de biosimilaires.  »

Une économie pour l’assurance maladie

Le processus de développement des médicaments biosimilaires est donc, on le voit, plus complexe que celui des génériques, et leur enregistrement exige également un plus grand nombre d’études cliniques. Heureusement, les recherches réalisées pour le médicament de référence ne doivent pas toutes être refaites dans leur intégralité ni de façon aussi exhaustive ; c’est pourquoi les biosimilaires peuvent généralement être commercialisés à un prix plus faible que l’original. Tout bénéfice, donc, pour l’assurance maladie et pour le patient !

Lorsqu’un biosimilaire fait son entrée sur le marché, la spécialité originale est en outre soumise à une baisse de prix obligatoire.  » C’est en tout cas ce qui se passe en Belgique, nuance Paul Declerck. Dans nombre d’autres pays d’Europe, cette baisse de prix n’est pas imposée et le fossé entre l’original et le biosimilaire reste donc plus marqué, ce qui explique aussi en partie pourquoi la Belgique reste un peu à la traîne en matière de prescription de biosimilaires. Un autre facteur qui entre en jeu est la méfiance que certaines personnes nourrissent envers ces copies, car elles ne sont pas encore suffisamment familiarisées avec le concept et avec sa signification exacte. Leurs réserves sont toutefois infondées : depuis que le premier biosimilaire a été approuvé dans l’UE, en 2006, plus d’une cinquantaine d’autres ont suivi… et aucun n’a jusqu’ici dû être retiré du marché pour cause de problèmes de sécurité ou d’efficacité.  »

Des copies non-conformes

Switch contrôlé

Afin de pouvoir lier de manière univoque toutes ses observations cliniques à un médicament donné, le médecin utilisera toujours le nom de marque – et pas celui du principe actif – lorsqu’il prescrit un médicament biologique. Si l’ordonnance était rédigée sur la base du principe actif, le pharmacien pourrait alors choisir le produit parmi toutes les spécialités qui contiennent cette substance à cette dose et sous cette forme ; il aurait toutefois l’obligation de prendre l’une des moins chères.  » Dans le cas des médicaments biologiques, cela voudrait dire que le patient pourrait recevoir d’abord le biosimilaire x, puis la fois suivante le biosimilaire y ou même la spécialité originale si celle-ci a baissé son prix au même niveau que ses copies, explique Paul Declerck. Au-delà du fait qu’ils compliqueraient beaucoup le suivi des éventuelles différences entre produits, ces changements continuels ne sont pas sans risques. Les médicaments biologiques contiennent en effet souvent des protéines susceptibles d’être reconnues par le système immunitaire, qui peut y réagir par la production d’anticorps et provoquer ainsi des effets secondaires ou une baisse d’efficacité. Titiller sans cesse les défenses de l’organisme en alternant des produits similaires mais pas identiques peut en théorie accroître le risque d’une telle réponse immunitaire. Il sera alors très difficile de déterminer si elle a été provoquée par le médicament original ou par l’un des biosimilaires. Lors d’un switch contrôlé, réalisé en concertation avec le médecin et correctement encadré par ce dernier et par le pharmacien, les éventuels problèmes pourront être beaucoup mieux interprétés et gérés.  »

Plus d’informations : www.ema.europa.eu (terme de recherche : biosimilars), www.afmps.be, Future Oncol. 2019 Mar ; 15(7) : 777-790.

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