© Erik Anthierens

Des chiffres et des femmes

Cela vous paraît beaucoup, 20 000 IVG par an ? En 2011, cela représentait un peu plus de 11 % du total des grossesses en Belgique. Bien loin de la moyenne mondiale, qui est de 25 %. Or, tous les Etats du monde, loin de là, n’accordent pas aux femmes la liberté de choisir si elles veulent poursuivre ou non une grossesse. Ce que notre pays a fait, sous condition, le 3 avril 1990. La loi Lallemand-Michielsens, le roi Baudouin faisant un pas de côté inédit le temps du vote, vous en souvenez-vous ?

Aujourd’hui, on le sait : la loi n’a pas débouché sur l’explosion des chiffres que brandissaient les  » antis « . Entre-temps, les femmes belges, qui optaient à l’époque pour les Pays-Bas ou le Royaume-Uni (on les évaluait à 2 500 par an) se sont dirigées vers les centres belges de planning familial (à 80 %) ou l’hôpital, rapprochant au passage les statistiques de notre réalité nationale. Les équipes médicales, elles, n’ont plus peur d’indiquer la nomenclature de l’IVG dans les formulaires d’enregistrement. Quant à l’âge moyen des demandeuses, il est resté calé à 27 ans. Le pourcentage de très jeunes filles n’a pas augmenté, au contraire : il aurait tendance à se tasser.

Les chiffres belges cités ici datent un peu. La Commission nationale d’évaluation de l’application des dispositions légales relatives à l’IVG n’a plus rien publié depuis 2012. Pas très pressés, les experts ? Plutôt dans l’attente d’un arrêté royal les autorisant à reprendre leur travail.  » La Belgique a du mal à envisager l’avortement comme un acte normal « , estime Sylvie Lausberg, qui a été retenue pour faire partie de la commission il y a un an et vient également d’accéder à la présidence du Conseil des femmes francophones de Belgique, l’association coupole qui regroupe la majorité des associations féministes et féminines.  » Le blocage est idéologique « , dit-elle. Six partis, de DéFI, en 2016, à l’Open VLD ont proposé de sortir cette intervention médicale du Code pénal et, pour certains, d’allonger son délai légal (il est de douze semaines, mais onze dans les faits puisque la loi prescrit d’attendre une semaine avant l’IVG. Aux Pays-Bas et au Royaume-Uni, c’est 20 ou 24 semaines).

Mais rien ne bouge : en 2018, en Belgique, renoncer à une grossesse est à la fois un droit (comme le consacrent l’OMS et l’ONU) et un  » délit contre l’ordre des familles et la moralité publique  » pour le Code pénal belge. Au même titre que le viol, l’attentat à la pudeur, l’outrage public aux bonnes moeurs, etc. Blessant et d’un autre âge, non ?

L’autre souci est pratique : pas toujours simple, dans certaines périodes, les congés par exemple, de trouver des équipes opérationnelles. La jeune génération de médecins est moins engagée et moins formée à la pratique de l’IVG. L’unique formation en Fédération Wallonie-Bruxelles est dispensée à l’ULB et seulement sur une base volontaire. Pourquoi ne pas l’intégrer au cursus et dans le programme d’autres universités ?

20 000

par an

Un peu plus de 20 000 interruptions volontaires de grossesse, dont la loi qui les régit a 28 ans cette semaine, ont lieu chaque année en Belgique.  » Délit contre la moralité publique  » ou question de santé et de liberté de choix ?

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