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Des bruits du quotidien insupportables !

La misophonie est peu connue. Pourtant, ceux qui en souffrent voient leur vie quotidienne polluée par les bruits anodins de la vie courante, qui deviennent une réelle torture !

Jasper avait une dizaine d’années lorsqu’il a commencé à souffrir de misophonie.  » À table, il était de plus en plus agacé par les bruits du repas, se souvient Christel, sa maman. Régulièrement, Jasper se couvrait les oreilles des deux mains criant à mon compagnon qu’il faisait beaucoup trop de bruit en mangeant. Au début, nous nous sommes contentés de lui dire d’arrêter sa comédie, mais les choses sont allées de mal en pis. Lors des repas en famille, il était très tendu tandis que nous nous efforcions de mâcher et d’avaler le plus silencieusement possible. Il a même commencé à appréhender les fêtes d’anniversaire et le cinéma avec les copains, terrifié à la simple idée des inévitables craquements du popcorn et des chips.  »

Lors des repas en famille, Jasper était très tendu tandis que nous nous efforcions de mâcher et d’avaler le plus silencieusement possible.

En se renseignant sur ce curieux problème, Christel a abouti sur le site internet d’une association de patients néerlandaise.  » En parcourant les symptômes, j’ai vraiment reconnu mon fils… et c’est là que j’ai eu le déclic. Aujourd’hui, Jasper a 14 ans et suit un traitement chez un psychologue. La misophonie ne se guérit pas, mais nous espérons que la thérapie comportementale lui apprendra à mieux la gérer.  »

De l’aversion à l’agressivité

Il nous arrive à tous d’être irrités par quelqu’un qui fait du bruit en mangeant, qui renifle ou qui ronfle, mais chez les personnes qui souffrent de misophonie, le problème ne se limite pas à un simple agacement. Elles ressentent une aversion immédiate et extrêmement intense pour un ou plusieurs bruits bien précis – celui de la mastication, d’un liquide aspiré à travers une paille, d’un éternuement, d’une respiration sonore, d’un reniflement, du bouton d’un stylo ou d’une souris d’ordinateur, par exemple. Leur réaction au son est instinctive et émotionnelle, et l’aversion voire le dégoût qu’elles ressentent peut très rapidement virer à la colère voire à l’agressivité.

Les patients qui souffrent de misophonie ne souhaitent qu’une chose : que cet horrible bruit s’arrête ! Ils présentent souvent aussi une sorte d' » hyperattention  » : complètement focalisés sur le stimulus auditif ou même sur le risque qu’il se reproduise, ils ressentent une envie impérieuse de le fuir ou au contraire de s’attaquer à sa source. Ils ont toutefois bien conscience que leur réaction est disproportionnée et en ressentent parfois de la culpabilité ou de la honte. Sans compter que leurs efforts désespérés pour éviter certaines situations et certains bruits peuvent avoir un impact considérable sur leur vie sociale.

Hyperstimulation

Pour comprendre cette réaction, des scientifiques britanniques ont par exemple soumis des personnes avec et sans misophonie à un scanner cérébral pendant qu’elles étaient exposées à toutes sortes de bruits. Ils ont observé chez les premières une forte activation du cortex insulaire, la zone du cerveau où s’effectue le couplage entre nos sens et nos émotions. Tout porte donc à croire que la misophonie s’accompagne d’une hyperactivation de certaines zones cérébrales qui perturbe la perception du bruit. Le psychiatre Damiaan Denys et son équipe (Amsterdam) ont notamment démontré que les personnes qui souffrent de misophonie sont moins capables de filtrer les sons, de telle sorte que leur cerveau y réagit comme à un danger : par un réflexe d’agression ou de fuite. Les experts vont même jusqu’à plaider en faveur de la reconnaissance de ce tableau clinique et de son inscription au manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux (DSM).

Un mélange de techniques

La misophonie peut compromettre les repas en famille, pousser ceux qui en souffrent dans l’isolement social et briser des couples. Els a même dû changer de travail.  » Je partageais un bureau paysager avec une vingtaine d’autres personnes : un enfer ! Il y avait toujours bien quelqu’un qui se raclait la gorge, croquait dans une pomme ou tapotait sur son clavier. Lorsque la collègue à côté de moi buvait un verre d’eau, je n’arrivais plus à me concentrer sur mon travail. Aujourd’hui, j’ai été transférée dans un autre département où je partage un bureau avec une seule autre personne, qui est au courant de mon problème et essaie d’en tenir compte. Un vrai soulagement !  »

La misophonie reste à ce jour impossible à guérir ; tout au plus peut-on rendre ses symptômes plus supportables. Les meilleurs résultats s’obtiennent en combinant plusieurs approches. La thérapie cognitivo-comportementale, par exemple, consiste à apprendre au patient à détecter les facteurs déclencheurs et lui apprendre à mieux gérer les réactions émotionnelles qu’ils provoquent. Il peut aussi s’entraîner à concentrer son attention sur autre chose ou apprendre à affronter les tensions par des exercices de relaxation. Le contre-conditionnement, enfin, permettra de créer de nouvelles associations positives qui estomperont sa révulsion et sa rage. Avec un peu d’entraînement, il pourra par exemple remplacer dans son esprit le craquement des chips par l’image de la neige toute fraîche sous ses pas.

Évitez les bouchons d’oreilles

Les personnes qui souffrent de misophonie ont volontiers recours à des écouteurs ou à des bouchons d’oreilles pour masquer les sons qui les dérangent… Ce n’est pas forcément une bonne idée, en particulier lorsque cela devient une habitude, car ces protections auditives risquent en réalité d’aggraver les choses. Si le patient s’habitue à un relatif silence, il deviendra en effet d’autant plus sensible aux bruits gênants et risque en outre de développer une dépendance, au point de paniquer s’il n’a pas ses bouchons d’oreilles sous la main.

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