Des Belges préparent latélé 3Ddu futur

Adieu lunettes et maux de tête : la télévision holographique succèdera peut-être à celle en trois dimensions. Son ambition ? Faire flotter l’image dans l’air. Trois équipes sont dans la course : au Japon, aux Etats-Unis et… à Louvain.

C’était le 4 novembre 2008. Soirée d’élection présidentielle aux Etats-Unis. Sur le plateau new- yorkais de CNN, deux journalistes apparaissent debout, face à face, pour commenter la victoire de Barack Obama. L’image est truquée : si Wolf Blitzer est bien dans le studio de New York, sa collègue Jessica Yellin se trouve en réalité à Chicago, fief du nouveau président. La jeune femme, dont l’image scintille et manque de fluidité, explique alors participer à la première transmission holographique à la télévision.

Holographique ? Pas vraiment. Contrairement à ce que les téléspectateurs voient, la journaliste n’apparaît pas en trois dimensions devant les yeux de son collègue : son image est insérée dans les plans diffusés à l’antenne. Le principe de l’holographie n’est qu’effleuré. Mais l’expérience montre à quoi la télévision pourrait ressembler demain.

Cette télévision du futur, trois équipes de scientifiques tentent de l’inventer. L’une d’elles est basée à l’Institut de recherche Imec à Louvain. Depuis deux ans, une dizaine de chercheurs y planchent sur un nouveau procédé holographique. S’il se concrétise, nous ne regarderons plus notre écran de télévision mais… ce qui se passe devant.

Image-objet

 » Le téléviseur n’affichera plus d’image, explique Gauthier Lafruit, conseiller scientifique à l’Institut louvaniste. Il se muera en projecteur et enverra des millions de points lumineux devant lui. Chacun de ces « voxels » formera une partie minuscule de l’image, comme le font les points lumineux d’un téléviseur classique (pixels). Pour schématiser, on extrait de l’écran les rangées horizontales et verticales de pixels pour les suspendre dans l’air, et on y ajoute des rangées de « profondeur » afin de créer le relief. « 

Principal avantage ? L’image sera  » présente  » dans l’espace et nous la percevrons comme n’importe quel autre objet.  » C’est une différence majeure par rapport à la 3D actuelle où nos yeux sont rivés sur un écran qui affiche deux images légèrement distinctes. Le cerveau, qui détecte la supercherie, se fatigue et c’est ce qui peut provoquer des maux de tête. Avec cette nouvelle technologie, notre perception sera complètement naturelle. « 

L’autre atout de l’holographie, c’est que le téléspectateur ne devra plus rester calé en face du téléviseur.  » Il pourra se mouvoir librement devant l’image projetée, poursuit Gauthier Lafruit. C’est une avancée considérable, mais ça nous oblige à travailler avec des pixels des milliers de fois plus petits que ceux des téléviseurs traditionnels. Pourquoi ? Parce que leur taille est inversement proportionnelle à celle du périmètre qui sera offert au téléspectateur. « 

Un autre Belge dans la course

Joignant la théorie à la pratique, les chercheurs de l’Imec ont conçu un premier prototype. Le Vif/L’Express l’a vu fonctionner : l’image est encore statique et basique, mais offre un relief d’un réalisme étonnant. Et son naturel tranche avec la télévision 3D où certaines parties d’images peuvent sombrer dans le flou.

Ailleurs dans le monde, deux autres équipes de scientifiques tentent de relever le défi : l’une au Japon, avec un procédé similaire à celui qui est élaboré à Louvain, et l’autre aux Etats-Unis où l’université d’Arizona privilégie un système recourant davantage à la chimie. L’image serait ici produite par des rayons qui agiraient un peu à la manière d’un laser gravant un DVD vierge. Et, coïncidence, l’équipe compte un chercheur liégeois parmi ses membres.

Reste que, tant à Louvain qu’au Japon et aux Etats-Unis, personne ne peut encore dire quand les recherches aboutiront. Et, a fortiori, quand ces nouveaux téléviseurs pourraient prendre place dans nos salons. D’autant que l’holographie imposera aussi de nouveaux procédés de production des programmes télévisés et toutes les contraintes qui en découlent.

 » L’autre aspect est budgétaire, ajoute-t-on à l’Imec. Le développement des recherches et la mise au point de prototypes nécessitent de gros moyens et, donc, un financement industriel. « 

Précisément, les représentants d’un grand fabricant de téléviseurs asiatique étaient à Louvain, il y a deux semaines, et, aux dires de l’Institut, ont été séduits par la démonstration qui leur a été faite. Assez pour conclure le partenariat vital à la finalisation du procédé ?

LAURENT HOVINE

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