Demotte sort  » son  » Green Deal

Rudy Demotte extrait de son chapeau le concept de solidarité environnementale. Au passage, le double ministre-président (Région wallonne et Communauté française) encourage les citoyens à entreprendre et remet à l’honneur les coopératives.

Où Rudy Demotte veut-il en venir ? S’agit-il vraiment de cet ambitieux projet : refonder la doctrine sociale-démocrate en y intégrant les enjeux environnementaux ? Dans l’entretien qu’il nous accorde, le ministre-président wallon invente la  » solidarité environnementale « , un modèle socio-écologique qui concilierait protection de l’environnement et redistribution des fruits d’une croissance  » qualitative plutôt que quantitative « . Mais, en s’exprimant sur les compétences de Jean-Marc Nollet, premier vice-président du gouvernement wallon et ministre du Développement durable, Rudy Demotte ne cherche-t-il pas aussi à rappeler qui est le patron ? Pour rappel : les escarmouches de l’été avaient vu l’écologiste exiger (et obtenir) le prestigieux bâtiment qui abritait, jusque-là, le cabinet de Jean-Claude Marcourt (PS), simple vice-président… Entretien.

Le Vif/L’Express : La rentrée politique est bien calme, non ?

Rudy Demotte : Cela ressemble à une catalepsie. On a vécu de fortes tensions lors de la campagne électorale, et à un moment donné, on entre dans un autre état mental. On se trouve comme devant ces lacs calmes qui cachent des mouvements en profondeur.

L’inconnue budgétaire, la crise économique, le réchauffement climatique : cela tétanise les responsables politiques ?

On réduit souvent le défi actuel à un besoin de revenir à une société mieux réglée. Là-dessus viennent se greffer de nouveaux débats, notamment sur la croissance. J’ai de la compréhension pour le discours sur la décroissance. On ne pourra pas toujours utiliser plus de matières premières, plus d’énergie… Mais je propose plutôt d’entrer dans un nouveau débat : croissance qualitative contre croissance quantitative. Il existe des manières de produire de la richesse respectueuse de l’environnement, mais beaucoup sont encore sous-exploitées.

Que change ce  » nouveau débat  » ?

Le débat environnemental impose de repenser certains principes. J’imagine une révolution basée sur le même principe que celui mis en £uvre par la sécurité sociale : aider ceux qui sont en situation de faiblesse, mettre davantage à contribution ceux qui éprouvent moins de difficultés. Il faut lancer un New Deal environnemental.

L’expression a déjà été utilisée…

Oui, par Franklin Roosevelt, et ensuite empruntée…

Par Jean-Marc Nollet…

On doit rebattre les cartes dans un esprit de solidarité. Prenons le logement : 45 % des logements datent d’avant 1945. Evidemment, les déperditions thermiques sont liées à la vétusté des habitations. Souvent, ceux qui occupent des logements à très mauvaise efficience énergétique, ils ne sont pas très riches… C’est le même mécanisme qu’en sécurité sociale : plus on a une capacité contributive, moins on a besoin d’aide. L’inverse est vrai : moins on a de moyens, plus on est exposé aux problèmes, et plus on a besoin d’aide. Le but final, c’est une répartition plus égalitaire. L’idée, la voici : après la sécurité sociale, mettre en oeuvre une solidarité environnementale.

Vous placez ce concept sur le même pied que la sécurité sociale, qui a tout de même été le plus grand combat de la gauche au xxe siècle ?

La solidarité environnementale est le nouvel espace d’expression de la social-démocratie. Notre société ne peut plus vivre sans produire de la richesse de manière durable.

C’est aussi la position d’Ecolo. Les livres de Jean-Marc Nollet ( Le Green Deal) et Bernard Wesphael ( Une Wallonie verte) développent la même idée.

Je vois là une trace d’un intérêt commun. D’un côté, on fait de l’écologie solidaire. De l’autre côté, on pratique une solidarité qui s’applique au social, à la répartition des richesses, mais aussi à l’environnemental.

Vous remettez à l’honneur un concept du xixe siècle : les coopératives.

Une idée fondatrice de la sécurité sociale ! On n’aurait jamais construit la sécu sans les coopératives. Les caisses de mutualité reposent sur l’idée de mise en commun. Les éléments qui constituaient les fondements de la sécu, on les retrouve à présent dans le débat sur l’environnement. On retrouve aussi l’obligation qui s’est imposée au Mouvement ouvrier au moment de ses premières conquêtes : construire des mécanismes de solidarité. On ne vit certainement pas la fin du rêve en politique.

Ah bon ? Ce n’est pas l’impression qui prévalait ces dernières années.

Il y a eu un défaut de perspective. Les gens ne se sentaient plus concernés. Moi, je veux adresser ce message aux citoyens : bon sang, ne négligez jamais votre propre implication ! Je ne dis pas qu’il faut laisser les gens se débrouiller seuls. La force d’impulsion doit venir des leaders d’opinion. Mais on ne peut plus tout attendre des autres sans rien donner soi-même.

Qu’attendez-vous des citoyens ?

Avant tout, de l’initiative entrepreneuriale. L’entreprise, ce n’est pas un mot de droite. Une coopérative, c’est une forme d’entreprise aussi valable qu’une autre, même si le mot a une forme d’obsolescence à l’audition. Cette envie de participer au développement économique, cet enthousiasme, c’est la condition sine qua non du redéploiement de la Wallonie. Or qu’a-t-on vécu ces dernières années ? Un  » racrapotement « . Pas seulement chez nous. On a vu des régions qui avaient une démarche entrepreneuriale gagnante, mais qui ont construit une identité négative.

La Flandre, par exemple ?

Je ne le dis pas de moi-même. Un journaliste de Het Laatste Nieuws m’a raconté ceci : en matière d’enseignement, la Flandre est en train de concentrer ses moyens financiers sur l’enseignement d’une langue, le néerlandais. Il y a une focalisation sur la langue de base, dans le but d’intégrer les anderstaligen, les gens qui parlent d’autres langues. Ce journaliste m’a dit que, selon lui, la Flandre affirmait ainsi son noyau dur, et qu’il constatait exactement l’inverse du côté francophone, où plusieurs plans sont mis en £uvre pour encourager l’apprentissage des langues étrangères. Les instituts de formation croulent sous les demandes de francophones qui veulent apprendre le néerlandais.

Quid des nominations dans la fonction publique ? Va-t-on enfin fixer des critères de recrutement objectifs ?

Aux Etats-Unis, quand un président arrive, il change toute l’administration. C’est un choix politique. Chez nous, ce qui tue, c’est l’hypocrisie.

Entretien : François Brabant et Michel Delwiche

 » Chez nous, ce qui tue, c’est l’hypocrisie « 

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