Delvaux avant  » Delvaux « , aiguillages successifs

A contre-courant des dernières expositions Delvaux, le musée d’Ixelles approche l’artiste dans ses rapports déterminants et jeux d’influence avec ses  » inspirateurs « . Un parcours éclairant permettant de comprendre le cheminement créatif de celui qui passa – non sans une étonnante logique ! – des sous-bois réalistes à des ouvres teintées de surréalisme.

Elève à l’Académie des beaux-arts de Bruxelles, Delvaux s’initie à la peinture au contact de la nature. Se rendant quotidiennement à l’orée de la forêt de Soignes, le jeune artiste rencontre entre autres Franz Courtens et Alfred Bastien, figures dominantes de la peinture d’après nature. Mais Delvaux s’affranchit rapidement du caractère trop réaliste défendu par ses aînés pour adopter une gamme chromatique plus chaude, à l’image de Renoir ou de Cézanne. Une influence impressionniste qui marque aussi l’apparition de la figure humaine… Affinant ses moyens d’expression, Delvaux s’approprie, vers 1929, quelques composantes essentielles de Modigliani : la femme affiche un visage ovale, des yeux en amande, une petite bouche en c£ur, un nez fin et un cou allongé. Et déjà se profile l’émergence imminente d’une production singulièrement consacrée au genre féminin.

Nourri par ses doutes et son désir de trouver sa propre identité artistique, Delvaux se laisse influencer par les représentants de l’école de Laethem-Saint-Martin (Permeke, Van den Berghe, Van de Woestijne), ardents défenseurs d’un expressionnisme flamand en quête d’authenticité et de simplicité. Privilégiant une palette plus sombre, plus évocatrice de la terre, Delvaux représente alors des figures massives qui occupent la quasi-totalité de la toile dans la veine d’un De Smet.

A la charnière de 1930, Paul Delvaux prend conscience de la richesse de l’£uvre de James Ensor, de son tempérament ironique et caustique, du caractère insolite de son univers fantasmagorique. Dès lors, notre artiste se sert allègrement dans le vocabulaire du maître ostendais en introduisant un motif qui persistera jusqu’à la fin des années 1960 (c’est dire s’il l’a exploité !) : le squelette en mouvement, adoptant des comportements typiquement humains.

1934. Paul Delvaux est frappé d’une double révélation. Visitant l’exposition Minotaure, il se heurte à la production de Giorgio De Chirico et de René Magritte. Le peintre est conquis, impressionné par la poésie mystérieuse, l’atmosphère étrange, le silence angoissant… Autant de traits qui synthétisent la liberté d’expression des surréalistes. Cette découverte capitale l’encourage à quitter définitivement le domaine de la réalité objective pour se réaliser dans un registre fait de scènes irréelles aux accents oniriques. Mais ne le réduisez pas au simple qualificatif de surréaliste… L’artiste s’en défendait ardemment, cherchant dans ce courant le vocabulaire qui lui permettrait d’élaborer sa poétique personnelle : un univers intangible qui ne tolère qu’une seule étiquette, celle de l’émotion !

Paul Delvaux. Aux sources de l’£uvre, musée d’Ixelles, 71, rue Jean Van Volsem, à 1050 Bruxelles. Jusqu’au 16 janvier 2011. www.museedixelles.be

GWENNAëLLE GRIBAUMONT

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