Délinquants étrangers, dehors ?

Après la prison, l’expulsion : avec sa dernière initiative référendaire, la droite helvétique veut cristalliser l’inquiétude croissante autour de l’immigration.

Jean-Michel Demetz

L’Union démocratique du centre (UDC) récidive. La formation de droite helvétique poursuit dans le registre politiquement incorrect qui a fait d’elle le premier parti de la confédération. Après avoir obtenu l’interdiction de la construction de minarets, il y a presque un an, l’UDC appelle les Suisses à se prononcer, le 28 novembre, par référendum, en faveur du  » renvoi des criminels étrangers « , une fois que ceux-ci auront purgé leur peine. Présentée comme une  » revanche du peuple  » face à des juges accusés de laxisme et à une classe politique taxée de passivité, l’initiative séduit, à en croire les sondages.

Habituée à dénoncer dans l’immigration la source de tous les maux qui frappent la Suisse, l’UDC développe un argumentaire sans fioritures. La moitié des délinquants sévissant sur le territoire de la confédération sont des étrangers. Son texte demande donc que les auteurs de délits pénaux (homicides, viols, cambriolages, trafic de drogue, mais aussi fraude à l’aide sociale) voient leur autorisation de séjour supprimée et que soit prononcée à leur endroit une interdiction de séjour pour une durée d’au moins cinq ans.

Si cette initiative, soutenue par 200 000 signatures, trouve un large écho dans le pays, cela ne relève en rien du hasard. La Suisse est le pays européen qui, après les micro-Etats du Liechtenstein et du Luxembourg, compte la plus forte proportion d’étrangers : 21,7 % de la population. Depuis l’entrée en vigueur de l’accord sur la libre circulation, en 2002, l’immigration croît, en moyenne, de 4,5 % par an. Or cette immigration pèse sur les comptes sociaux : plus de 4 chômeurs sur 10 sont étrangers. On retrouve la même proportion chez les bénéficiaires de l’aide sociale. Enfin, le sentiment d’insécurité progresse : les violences physiques ont plus que doublé dans la dernière décennie. Et les statistiques confirment que la moitié des délits sont le fait d’étrangers.

 » Contre-projet  » gouvernemental

Les opposants à l’initiative relèvent que décider une expulsion est une chose, l’appliquer en est une autre. En clair, une telle politique suppose des accords de réadmission avec les pays d’origine, généralement peu enthousiastesà Cet obstacle ne déconcerte pas l’ex-ministre (UDC) Christoph Blocher, lequel a affirmé qu’on pouvait se passer de tels accords et que, à défaut, on pouvait toujours supprimer l’aide au développement là-bas et l’aide sociale au délinquant ici.

Pour ne pas laisser la voie totalement libre à l’UDC, le gouvernement a déposé un  » contre-projet « , lui aussi soumis, le même jour, à l’approbation populaire. Ce texte brouillon, résultat d’un compromis tissé par le centre-droit et une partie de la gauche, défend également le principe de l’expulsion des délinquants étrangers, mais en limite, en pratique, le champ d’application. Reste à voir si les Suisses préféreront la copie à l’original.

JEAN-MICHEL DEMETZ

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