Déboulonner Léopold II ?

Je viens de lire avec intérêt votre dossier sur Léopold II :  » Jusqu’où ira le déboulonnage ?  » ( Le Vif/L’Express du 24 mai). Je suis un peu atterré par l’esprit de mortification absolue des Belges en ce domaine. Il ne s’agit pas de minimiser les exactions qui ont pu être commises, mais faire de Léopold II le bouc émissaire de la colonisation est assez exagéré, et le comparer à Hitler est tout simplement une insulte à ceux qui ont subi l’Holocauste ; parler de dix millions de morts à une époque où on n’avait aucune idée de la population réelle du pays, une escroquerie […]. Personne ne peut contester que Léopold II et la Belgique ont mis fin à l’esclavage arabe au Congo à la fin du xixe siècle. La Belgique refuse pendant longtemps au roi les moyens financiers permettant de sécuriser le pays et de mettre en place une administration, ce qui conduit au système déplorable des concessions. Mais, comme votre article le souligne, ces concessions se rencontrent partout en Afrique, avec les mêmes effets pervers. Pourquoi, après bientôt un siècle et demi, revient-on constamment, sans discernement ni contextualisation, sur le  » génocide  » commis par Léopold II au Congo ? La raison en est dramatiquement simple : la Belgique, les pays occidentaux et les dirigeants congolais veulent faire oublier l’immense responsabilité qu’ils ont dans le drame que vit le Congo depuis soixante ans : les guerres, les révoltes, les viols, la misère généralisée, le travail des enfants dans les mines, les populations déplacées, l’effondrement du système de santé (avec le retour de grandes épidémies comme, récemment, Ebola).[…] Le vrai crime contre l’humanité, c’est aujourd’hui qu’il se joue au Congo, et la Belgique est autant responsable que les Congolais. Avec 1 % du PIB belge (environ 5 milliards), on pourrait doubler le volume des investissements au Congo et amorcer une véritable relance économique du pays. Qui oserait, dans tout l’échiquier politique, faire cette proposition ? Evidemment, il est plus facile de se lamenter sur les crimes de la colonisation !

André Vincent, Hargnie (France)

J’ai lu avec intérêt les différents articles sur Léopold II. Il est vrai qu’il y a eu des abus au cours du xixe siècle dans l’Etat indépendant du Congo. Mais je serais intéressé de lire un article sur l’exactitude chiffrée des faits relatés en comparaison du bien-être apporté à la population. Je pense à l’oeuvre des missionnaires, mais aussi des entreprises – comme l’Union minière du Haut-Katanga – pour améliorer la santé et doubler l’espérance de vie des Congolais […]. Si l’attitude des Européens est tout à fait condamnable, qu’en est-il des conditions difficiles, voire mortifères, des travailleurs dans l’industrie en Belgique ? Zola est à relire ! C’était une époque où la bourgeoisie industrielle n’avait guère de tendresse pour les travailleurs. L’historien Pierre-Luc Plasman semble oublier que le Royaume-Uni a un passé terrifiant en Afrique […]. L’ex-ambassadeur du Nigeria à Bruxelles m’a dit que les études faites dans son pays considèrent que la colonisation belge était la meilleure : ce genre de raisonnement ne doit pas plaire au Foreign Office […]. Bref, concentrer un tir fourni sur la Belgique et son roi me paraît un écran pour cacher des attitudes beaucoup plus horribles des autres puissances.

[…] Je ne cherche en rien à minimiser la culpabilité de Léopold II, mais la colonisation ne s’arrête pas en 1909, à la mort du roi. Elle se poursuit jusqu’en 1960. A la veille de son indépendance, le Congo apparaît comme un pays doté d’infrastructures très performantes dans bien des domaines : l’économie, le social, le médical… Si Lumumba fut capable de prendre la tête d’un mouvements politique et de rédiger des discours, il le doit à l’instruction qu’il a reçue. C’est aussi cela, la colonisation. Trop facile de gommer les réalisations d’un demi-siècle pour défendre une thèse !

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