» De la place pour 2 000 logements « 

Relations avec les promoteurs, perspectives en matière de logement, schéma de structure : l’échevin Ecolo de l’Urbanisme Arnaud Gavroy livre sa vision des choses.

Pour traiter les matières immobilières namuroises depuis plusieurs années, nous pouvons l’affirmer sans risque de travestir la réalité : Arnaud Gavroy, échevin Ecolo de l’Urbanisme, ne fait pas l’unanimité du côté des acteurs du marché. Au point d’être régulièrement malmené par nos interlocuteurs, qui lui reprochent un manque d’ouverture dans la délivrance des permis d’urbanisme. Même les notaires régulièrement interrogés assurent que le marché namurois se maintient grâce au… manque d’appartements que la politique restrictive de l’échevin entraînerait. Qui se défend pourtant d’avoir un quelconque problème avec le monde immobilier local. Au contraire même.

Le Vif/L’Express : On vous reproche, dans le cénacle immobilier namurois, d’être trop strict en matière de délivrance de permis. Vous dit-on souvent : Arnaud, vous êtes trop sévère ?

Arnaud Gavroy : Pour moi, c’est une image fausse, du passé. Quand j’ai pris mes fonctions, il y a trois ans, je me suis mis au travail pour faire de Namur une ville durable, le schéma de structure en est la concrétisation. Et une ville durable, ça commence par un bon aménagement du territoire : il faut savoir où mettre les bonnes fonctions au bon endroit pour éviter les effets pervers, notamment vis-à-vis des quartiers qui, traversés par le trafic de transit, se laissent aller. Il fallait préparer Namur au choc pétrolier, à vivre une meilleure mobilité, à se recentrer sur elle-même. Le deuxième défi était de s’attaquer à la spéculation immobilière, qui ronge la ville et s’attaque notamment aux beaux endroits comme la Meuse et le patrimoine mosan. On va être la première commune à protéger intégralement nos 28 kilomètres de berges, que l’on veut garder aérées. Il faut rattraper le temps perdu.

Votre prédécesseur en a perdu beaucoup, selon vous ?

On ne s’est jamais correctement occupé de l’urbanisme et de l’aménagement du territoire à Namur. La preuve en est qu’en 2000 on aurait pu voter un schéma de structure qui aurait coûté 20 millions de francs belges à l’époque et un règlement communal d’urbanisme. La majorité sortante PS-PSC, au tournant du siècle, n’a pas voulu le voter alors que c’était prêt. Elle a laissé ça au collège suivant PS-MR : Bernard Anselme s’est assis sur le document.

Que vous vous êtes empressé de repenser…

Quand on arrive en 2006, il n’y a aucun document de planification. C’est pourtant essentiel dans toutes les sociétés urbaines qui réussissent. Ce n’est pas un frein ! Mais dans un premier temps, c’est vrai que vous devez freiner ou arrêter certains projets que vous ne cautionnez pas, qui s’attaquent au patrimoine ou au cachet de la ville. Et je me suis aussi attaqué à la spéculation immobilière qui cherchait systématiquement à diviser les maisons unifamiliales en appartements. Or nous avons besoin de nos 35-55 ans, qui étaient obligés d’aller en périphérie puisque le gros des nouvelles constructions, c’étaient des appartements une chambre ! J’ai endigué ce phénomène, ce qui était socialement essentiel dans des quartiers qui se laissaient aller. On a refusé des divisons ou des régularisations : ça emmerde certains notaires, forcément ! Maintenant, ils le savent !

Reprendre la planification d’une ville est légitime dans le chef d’une majorité élue. Mais est-ce que vous avez assez communiqué et de manière suffisamment souple pour que les acteurs de l’immobilier local comprennent bien la nouvelle donne ?

Il faut beaucoup de courage pour être échevin de l’Urbanisme. Quand quelqu’un veut diviser une maison en appartements et mettre des voitures dans le jardin, de quel droit, moi, pourrais-je empiéter sur sa liberté individuelle ? Oui, mais son voisin ? C’est ça qu’on a mis sur la table ! Quand je reçois un promoteur, je lui pose toujours cette question : est-ce que vous pourriez habiter dans votre projet ? Parfois, j’ai des blancs. Et quand un projet de huit appartements ne tient pas la route, quatre étant largement assez, les promoteurs imaginent leurs bénéfices coupés en deux. Je pourrais, pour être facilement réélu, faire plaisir à tout le monde. La communication n’est pas le problème. Tout le monde a pensé : immobilier = jackpot, et pas uniquement des promoteurs à la Iovleff (NDLR : Frédéric Iovleff est l’un des promoteurs qui ont officiellement exprimé leur mécontentement par rapport à la politique menée). On a, par contre, encouragé des gens qui entraient dans le projet de la ville. La preuve avec le réaménagement du plateau d’Erpent (voir page 118). Les grandes sociétés immobilières se rendent compte qu’il est dans leur intérêt de collaborer avec nous. Et sont moins dures avec moi.

Est-ce que les grandes structures, justement, n’ont pas plus de facilités à assimiler et à s’adapter à vos critères ?

Je ne crois pas. Une structure comme Thomas et Piron qui doit faire 500 quatre façades par an en Wallonie pour être rentable a beaucoup de difficultés à s’adapter. Mais depuis qu’on a dit que ça ne marchait plus comme avant à Namur, les gens de Thomas et Piron voient en Namur une autre façon de faire leur métier. Pareil pour Besix, Matexi, JM Construction, etc. On travaille avec eux parce que Namur les intéresse et notre vision des choses aussi.

D’accord, mais est-ce que vos critères sont clairement connus ?

J’ai été très clair, via la presse notamment. Le premier critère, c’est l’aménagement du territoire. Se mettre à 600 mètres maximum d’une ligne de bus structurante et de services de proximité. Deux : prendre les critères de densité du schéma de structure ; fini de faire de la haute densité très loin parce que ce n’est pas rentable pour les pouvoirs publics. Trois : offrir une mixité de typologie de logements. Depuis 2008-2009, la proportion d’appartements deux à trois chambres a repris la main par rapport aux appartements une chambre. Quatre : faire de la mixité sociale ; avoir un peu tous les prix. Cinq : tous les critères d’énergie et création d’espaces publics.

Est-ce qu’il y a plus de permis qui ont été accordés ou refusés depuis que vous êtes entré en fonction ?

Il y a autant de permis qu’avant, mais de différente nature. Il n’y en a pas moins, globalement, que sous la législature Anselme. Dans notre nouveau schéma de structure, il y a de la place pour construire 2 000 nouveaux logements dans les dix années à venir.

On parle beaucoup d’approfondissement de la régionalisation, Namur risque de se retrouver avec des nouvelles administrations et, par effet boule de neige, avec un nouveau flux d’habitants. Les 2 000 logements potentiels à venir sur les dix prochaines années suffiront-ils ? Y a-t-il une réflexion collégiale sur le sujet ?

Il est très clair qu’avec ce schéma de structure nous pourrons absorber une hausse régulière de la population. Mais vous ne me ferez jamais signer un permis où il y a des vues indiscrètes sur les voisins, où on met les voitures en arrière zone, etc.

ENTRETIEN : GUY VERSTRAETEN

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