De la Lune à la Terre

Sans planète sour, pas de marées, de saisons, de journées de vingt-quatre heures… Des multiples effets qui lui sont prêtés tous ne sont pas avérés. Inventaire raisonné.

Sans elle, nous ne serions sans doute pas là tant ses effets sont considérables sur la Terre. Le phénomène le plus connu étant les marées : la Lune a un pouvoir d’attraction supérieur sur les eaux qui sont plus proches d’elles (elles se  » soulèvent  » dans sa direction) que sur celles qui sont éloignées (de l’autre côté de la Terre). Conséquence : deux  » bourrelets  » océaniques balaient le globe du fait de sa rotation, provoquant chaque jour deux hautes et deux basses mers.  » La friction qui résulte de cette attraction entre les deux astres fait que la Lune s’éloigne de nous de façon minimale (3 centimètres par an), mais inexorablement « , explique l’astronome Serge Chevrel. La force de gravité sélène freine aussi la vitesse de rotation de la Terre. Sans son satellite lunaire, cette dernière tournerait beaucoup plus vite et les journées ne feraient plus vingt-quatre mais dix-neuf heures… Encore plus grave, la Lune, toujours par son pouvoir d’attraction, exerce un effet régulateur sur l’axe de rotation de la Terre. Sans lui, notre planète effectuerait sa rotation de manière chaotique autour du Soleil.  » Comme Mars, elle se baladerait dans tous les sens « , résume le scientifique. Un désordre cataclysmique qui entraînerait la fin des saisons, et donc des conditions de vie plus difficiles. Enfin, sans qu’ils puissent l’expliquer, les scientifiques estiment aujourd’hui que la Lune a aussi un effet sur le climat : la température globale de la Terre serait en phase avec le cycle lunaire, de façon que les jours les plus chauds coïncident avec la pleine lune.

Maîtresse de la nature

 » C’est la Lune qui sature les terres, qui remplit les corps par son approche et les vide par son éloignement.  » A l’instar de tous les Romains, Pline l’Ancien, dans sa monumentale Histoire naturelle, prête aux astres une influence sur les cultures. Et, parmi eux, la Lune,  » qui possède un souffle vital « , tient une place éminente.  » Après le ve siècle, les vignerons vont perdre cette sensibilité, explique Michel Bouvier, historien de la vigne. Elle ne réapparaît qu’au milieu des années 1920, avec le scientifique Rudolf Steiner, qui théorise les principes de la biodynamie.  » Cette dernière, étendue à l’ensemble des cultures, postule qu’on obtiendra un résultat optimal par des pratiques biologiques (pas d’engrais), ainsi que par le choix de bonnes dates. Si l’on se cantonne à la Lune, la règle est la suivante : il faut semer, planter en lune croissante et cueillir, couper, récolter en période de lune décroissante. Des principes qui s’appliquent à toutes les productions agricoles – arbres fruitiers, céréales, légumes… – et qui connaissent aujourd’hui un surprenant renouveau, comme en témoigne l’abondante littérature sur le sujet (Guides de la Lune, Jardinez avec la Lune, etc.).  » Cet engouement s’explique, sans doute, par la prise de conscience collective que l’homme a trop longtemps pollué la terre qu’il cultivait « , avance Michel Bouvier. Avant de conclure, prudent :  » Ces pratiques biodynamiques et biolunaires améliorent sans doute les récoltes de quelques pour cent, mais ce gain reste difficile à mesurer. « 

Reine des animaux

Sans forcément les transformer en loups-garous ou autres créatures lunaires, l’astre sélène exerce des influences indéniables sur les animaux. Mais celles-ci s’expliquent avant tout par les deux effets principaux de la lune sur la planète bleue : les marées et la forte luminosité en période de pleine lune. Et encore, les biologistes sont prudents, considérant leurs rapprochements comme des données  » corrélationnelles  » et non comme des preuves : il y a coexistence de deux phénomènes sans qu’il soit possible d’établir directement un lien de cause à effet. Exemple ? Certains mollusques (huîtres), vers marins (Eunice viridis) ou crustacés (crabes rouges) semblent adapter leur reproduction au rythme des grandes marées. De même, certains oiseaux qui se nourrissent de petits invertébrés nichant dans la vase – et donc inaccessibles en période de marée haute – ont adapté leur régime alimentaire au cycle lunaire.

Durant la pleine lune, c’est tout simplement la luminosité de la nuit qui se trouve modifiée. Des primates d’Amérique du Sud, du genre Aotus, aussi appelés  » singes de nuit « , en profitent pour chasser plus longtemps, tout comme les grues ou les flamants roses. Il s’agit donc là plus d’une adaptation que d’un comportement inné. Enfin, du côté du chien, mille et une affaires circulent sur sa prétendue excitation les soirs où la lune est ronde. En 1998, des chercheurs australiens, Simon Chapman et Stephen Morrel, ont étudié le nombre d’admissions dans les hôpitaux publics pour morsure durant une année. Ils en ont dénombré 1 671, soit une moyenne de quatre par jour, mais aucun  » pic  » les soirs de pleine lune, contrairement aux week-ends (lorsque les gens sortent plus). A l’époque, la très sérieuse revue scientifique qui avait publié leurs conclusions n’a pas précisé s’ils avaient été rétribués pour cette recherche fondamentale.

Amie de l’homme

Brute et posée sans ambages, l’allégation peut décevoir : si les influences de la Lune sur l’homme (ou plus souvent sur la femme) se comptent par dizaines, elles n’ont pas de véracité scientifique fondée… Exemple : les soirs de pleine lune favoriseraient les accouchements. Même les sages-femmes le clameraient dans les maternités, faisant le lien entre le liquide amniotique et la force d’attraction lunaireà de la même façon que pour les marées ! Sauf que, passée au crible de la statistique, cette croyance n’a jamais été confirmée, comme le montrent les travaux de Frédéric Chambat, du Cercle zététique : sur 15 127 073 naissances intervenues en France entre 1975 et 1994, il constate un très faible surnombre des accouchements, + 0,5 à la pleine lune et + 0,3 au dernier quartier. Des variations infinitésimales confirmées par une pléiade d’études réalisées ces dernières années à travers le monde.

Autres convictions : notre petit astre satellite exciterait plus que de raison nos esprits terriens. Davantage de meurtres, de crises de folie, de dépressions, d’accidents, de bagarres, de cambriolages, de crises d’épilepsie, de suicides, de cas d’ébriété, etc.  » Là encore, des dizaines d’études ont été réalisées et aucune ne vient corroborer ces idées reçues, explique le psychiatre Marc Schwob, spécialiste en chronobiologie. Mais les statistiques ne sont pas forcément suffisantes.  » Avant de citer l’exemple de la police britannique qui, les soirs de pleine lune, double ses gardes dans les rues de Londres.  » Au moins, cela rassure.  » l

B. D. C.

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