De l’agent 007 à l’espion 2.0

L’espionnage se déploie dans toutes les dimensions du cyberespace et de la vie réelle, passant de James Bond, alias l’agent 007, au 2.0. Une question de vie ou de mort, mais toujours sous les radars.

 » Un pays mal protégé peut mourir. » La multiplication des opérations de cyberattaque et de cyberespionnage rend cette angoisse des plus tangibles. A Liège, les salaires ont pu être payés malgré le blocage du système informatique de la Ville par un virus malveillant venu de l’étranger ( ransomwares ou rançongiciel). En 2019, des pirates de l’Est n’avaient pas hésité à s’attaquer contre rançon à l’hôpital André Renard de Seraing, comme ils s’en sont pris en 2020 à la chaîne d’hôpitaux américains Universal Health Services.

Genève, 17 juin. Joe Biden remet à Vladimir Poutine la liste des seize catégories d’infrastructures critiques qui feront l’objet de représailles identiques en cas d’attaques informatiques par des « proxys » ou hackers proches du régime russe. On savait déjà la NSA capable de s’emparer d’à peu près n’importe quelle donnée transitant sur à peu près n’importe quel support. Une étude de l’Institut international des études stratégiques, basé à Londres, vient de démontrer qu’en cas de cyberguerre, les Etats-Unis avaient dix ans d’avance sur les Chinois (qui jouent en division 2 avec les Russes, les Français et les Israéliens), mais qu’en général, ils s’abstenaient d’utiliser leurs « armes », sauf – exemples bien connus – contre l’Iran et la Corée du Nord. Un « équilibre de la terreur » par cyberintimidation réciproque se met donc en place. Pendant la guerre froide entre l’Occident et le bloc communiste, la menace nucléaire a joué ce rôle.

Un pays mal protégé peut mourir.

Il est établi historiquement que les services de renseignement des deux bords ont empêché la déflagration à force de se tenir au courant des forces et faiblesses du camp adverse comme l’illustre si bien le film britannique Un espion ordinaire, tiré d’une histoire réelle accommodée à la manière de John le Carré. Même un petit pays comme la Belgique peut se rendre compte qu’il est démuni face à l' »arc de crise » se tendant à l’est et au sud (lire page 13), mais pas seulement. La nature dématérialisée du cyberespace et les facilités de déplacements ont pulvérisé les frontières. Les anciennes techniques de désinformation, intoxication, agitation et propagande ont repris de plus belle. La guerre économique bat son plein. D’où la sombre prédiction de cet élu découvrant le « sac » de Liège: « Un pays mal protégé peut mourir. »

Les services de renseignement belges dont « la position d’information » avait été jugée défaillante lors du choc terroriste de 2015 et 2016 se sont remis en question. Du moins, la Sûreté de l’Etat. Elle se projette dans une nouvelle organisation, avec des moyens accrus – plus de 1000 personnes en 2024 – pour mieux débusquer les extrémismes, l’ingérence étrangère et l’espionnage économique. En amont de la riposte judiciaire et policière, le renseignement vise la compréhension d’un phénomène, l’identification de ses acteurs clés, le démêlage du vrai et du faux, en partie, grâce à des contacts avec des individus suffisamment proches du foyer pour fournir des informations. Cette recherche de la vérité exige des nerfs solides et un gps éthique autant que (géo)stratégique, comme le démontre son évaluation de l’entrisme des Frères musulmans en marge de l’affaire Ihsane Haouach. Le Service général du renseignement et de la sécurité de l’armée (SGRS), dont l’atonie a été mise en évidence par l’affaire Conings, n’a pas encore entamé sa remise à niveau. Si « un pays mal protégé peut mourir », les espions sont aux avant-postes. Comme disait Sun Tzu (544-496 av. J.-C.) dans L’Art de la guerre : « Ayez des espions partout, soyez instruit de tout, ne négligez rien de ce que vous pourrez apprendre. » C’est aussi l’art de la paix.

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