De bien étranges paravents

La montagne qui accouche d’une souris. Ou la chronique d’un fiasco annoncé. Un an de palabres pour un rapport de 68 pages à peine, un résultat squelettique pour des Assises de l’Interculturalité défendues bec et ongles depuis mars 2008 par la ministre de l’Egalité des chances, Joëlle Milquet, en personne. On allait voir ce qu’on allait voir (d’autant plus que déjà tous les regards se portaient vers les régionales de juin 2009). Et pas question de lésiner sur les moyens. Vite fait, bien fait, pas moins de 1 million d’euros étaient ainsi dégagés. Fin 2010, on a vu, en effet… que même avec des jumelles il n’y avait pas grand-chose à voir…

Si ce n’est un cafouillis d’idées, un saupoudrage confus de suggestions équivoques, obscures, énigmatiques. Avec, en prime, le religieux qui prend toute la place. Sans parler des personnalités à l’honorabilité parfois douteuse crédibilisées, des spécialistes compétents et reconnus ayant, entre-temps, définitivement claqué la porte. Des vaticinations émotionnelles qui ne peuvent apporter de véritables pistes de réflexion au lancinant problème de l’intégration. Autant de rétrécissements alors que les temps exigent la mise en place de solutions innovantes, dynamiques, apaisantes. Car, depuis 2008, il a bien changé, le climat, dans nos sociétés occidentales, y compris au c£ur même de notre plat pays. Nous voilà bien tous aux prises avec l’angoisse identitaire. L’humanisme se sent menacé par l’intégrisme. Un intégrisme, bien loin de l’islam éclairé, modéré, accepté par tous, et qui s’infiltre insidieusement dans les interstices béants de l’incompréhension.

Protégé par l’ombre d’Angela Merkel, Yves Leterme a osé récemment un timide constat public d’échec du multiculturalisme en Belgique. De fait, dans un monde où tout porte à accuser l’autre, le chemin qui conduit au rapprochement est bien étroit. Si, au fil des siècles, la multiculturalité nous a enrichis, aujourd’hui l’idéologie communautariste exacerbe les particularismes, le repli sur soi, freinant ainsi tout rapprochement. Aller vers l’autre, une bien belle aventure ! Qui demande de surmonter les craintes, les préjugés, la subjectivité face à la manipulation par les extrêmes. Une manipulation qui se nourrit, aussi, de la faiblesse de nos Etats, souvent au bout du rouleau, presque au bout d’une époque, mondialisation oblige.

Agir plutôt que tergiverser. Comme en a décidé la chancelière allemande avec un plan de pas moins de 15 millions d’euros en faveur de l’intégration.  » Nous devons rattraper ce que nous n’avons pas fait ces trente dernières années « , a-t-elle expliqué. Mais sans angélisme ni faux-semblants. Respecter l’ordre juridique établi, respecter les valeurs fondamentales des Etats accueillants, accepter de se sentir citoyen du pays d’accueil, autant d’exigences qui doivent être rencontrées. Avec, à la clé, les solidarités transversales indispensables entre tous.

Faut-il s’ouvrir au monde ou se replier sur sa communauté ? Privilégier l’entente, le savoir ou la  » sainte ignorance  » ? Comment dépasser le débat devenu hystérique sur l’islam ? Comment gérer l’agrégat inquiétant et chaotique entre menaces et peurs, ce nouveau  » confusionnisme  » ? Un vrai défi contre le conformisme, l’incompréhension, le choc des civilisations. Dans l’indispensable compromis que nous devons réussir, il s’agit autant d’intégrer l’histoire et les préoccupations de la société majoritaire que de promouvoir les particularismes pour autant qu’ils produisent des interactions positives pour la cité. Un futur collectif qui passe par des innovations constantes… et du courage politique. Beaucoup de courage. Aux antipodes de pseudo-Assises et autres colloques singuliers si commodes pour camoufler l’incapacité de bien de nos représentants à prendre vraiment leurs responsabilités.

de christine laurent

Faut-il s’ouvrir au monde ou se replier sur sa communauté ? Privilégier l’entente, le savoir ou la  » sainte ignorance  » ?

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