Dati règle ses comptes

Il y a deux ans, elle était inconnue. Dans quelques semaines, elle va quitter le prestigieux ministère de la Justice. Promue par Nicolas Sarkozy, déchue par lui. Starifiée mais aussi vivement critiquée, même à l’Elysée. Elle lance la contre-attaque.

Et si elle arrêtait ? Cela fait quelques jours qu’elle a accouché et elle ne sait plus vraiment où elle en est. Maintenant que Zohra est là, la politique en vaut-elle encore la peine ?

 » Je ne veux pas sacrifier ma fille « , se dit désormais Rachida Dati. A ses doutes maternels se mêle le désarroi de la garde des Sceaux quant à la destinée que lui a réservée Nicolas Sarkozy. Elle sera en effet candidate aux européennes de juin. Au lendemain de ces élections, elle quittera le gouvernement.

La star du gouvernement Fillon va devoir découvrir l' » exil  » entre Strasbourg et Bruxelles, récrire son avenir, reconstruire son image. Au terme de deux folles années, où elle aura été à la fois victime de croche-pieds venus de son propre camp et coupable de grandes insuffisances autant que de petits arrangements avec la réalité, ce symbole encensé de la France d’aujourd’hui aura fini en contre-exemple décrié.

Rachida Dati a désormais des comptes à régler.  » Le milieu politique, quand tu n’en es pas issu et que tu décides de t’y installer, il te tape « , fustige-t-elle. Au pilori, aussi, les journalistes ! Elle certifie avoir compté. Elle a eu droit à autant d’articles que de jours passés Place Vendôme.  » Pas sur la garde des Sceaux, précise-t-elle. Mais sur cette salope de garde des Sceaux ! « 

Et Sarkozy ? Celui qui a choisi de la congédier, Rachida Dati a choisi de l’épargner :  » Je serai toujours reconnaissante envers Nicolas Sarkozy. Je ne peux pas trouver l’amorce d’une critique. Ce qu’il a fait, personne d’autre que lui ne l’aurait fait. « 

Pour beaucoup, Rachida Dati restera la plus belle illustration des dérives monarchiques qui ont tant marqué ce début de quin-quennat. Elle triomphe du temps de sa  » s£ur  » Cécilia. Elle trébuche avec le retour dans le premier cercle présidentiel des ennemis de l’ex-First Lady et avec l’arrivée de Carla Bruni.

Pour ses avocats, elle est d’abord une victime.  » Ils en ont fait une icône, puis ils l’ont brûlée, estime Jean-François Copé, fustigeant l’entourage du chef de l’Etat. Naturellement, Rachida a commis des erreurs. Mais tu ne peux pas ne pas en faire quand tu es à ce point mis sous les projecteurs, qu’on te donne le sentiment que tu es protégé.  » Proche de la ministre de la Justice, le député Christian Jacob renchérit :  » Le système Sarko s’est mal comporté avec elle. Elle restera loyale avec Sarko, mais ne ratera pas l’étage au-dessous. « 

A l' » étage au-dessous « , il y a évidemment Pierre Charon, conseiller du président. Celui qui est revenu avec le départ de l’ex-première dame n’a jamais caché son animosité envers Rachida Dati. Qui lui attribue les pires coups bas dont elle a été l’objet.  » Le président m’avait demandé de faire un effort avec lui. Pendant un mois, je l’ai fait, raconte-t-elle. Ce n’était pas possible, pour moi, de continuer. Ce ne sont pas mes valeurs, pas mes codes.  » Dans l’entourage du chef de l’Etat, Rachida Dati n’épargne pas davantage Patrick Ouart, conseiller pour les questions de justice, devenu de plus en plus influent au fur et à mesure de son affaiblissement :  » Entre nous, cela ne pouvait pas marcher. Je suis tout ce qu’il déteste.  » Pour elle, la cassure est originelle :  » Je leur ai sifflé le titre au nez et à la barbe. Ils ne s’en sont jamais remis. « 

C à vous

Et maintenant ? Rachida Dati veut se convaincre que son futur mandat de députée européenne la satisfait :  » Cela ne m’enferme pas. J’ai toujours aimé les endroits où l’on a des objectifs et où l’on est évalué.  » Au lendemain de son élection, celle qui demeure, dans les sondages, appréciée par la droite et les catégories populaires, lancera son club C à vous, destiné à favoriser l’engagement politique des Français issus de l’immigration. La maire du VIIe arrondissement garde Paris et les municipales de 2014 dans son viseur. Le 31 mars, elle a déjeuné avec François Fillon, également intéressé par cette échéance.  » S’il veut y aller, il n’y aura pas de problème. On s’entend très bien. On est très complémentaires. Mais, si c’est un autre, je ne vois pas pourquoi je ne serais pas candidate « , argumente-t-elle aujourd’hui. Elle le dit d’autant plus facilement qu’elle ne croit pas que le Premier ministre se lancera à la conquête de la capitale française.

A ses activités politiques elle pourrait, même si elle s’en défend, ajouter celle d’avocat. Selon un intime,  » elle réfléchit à s’inscrire au barreau, comme beaucoup de parlementaires, sans renoncer à sa carrière européenne « . D’après un membre du gouvernement, elle aurait glissé au Premier ministre :  » Je n’irai pas au parlement européen. Je reste à la mairie du VIIe et je ferai du fric en étant avocate.  » D’autres ambitions de Rachida Dati sont plus intimes :  » Je veux m’occuper de ma fille, reconstruire ma vie personnelle, essayer de faire un deuxième enfant. « 

Est-elle finie ? Redeviendra-t-elle un jour ministre ?  » Elle n’a plus qu’une idée en tête : se venger « , prédit un proche.

Ludovic vigogne

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