Dans les coulisses de l’OPL

Cette année, l’Orchestre philharmonique de Liège Wallonie Bruxelles célèbre son demi-siècle et la fiesta musicale va battre son plein tout au long de la prochaine saison. Mais qu’est-ce qui singularise cette phalange si particulière ? Rencontre avec ses musiciens, du plus jeune au plus ancien, en passant par la direction.

De 2004 à 2008, notre public s’est multiplié par 4 ! Qui peut en dire autant ? s’enthousiasme Jean-Pierre Rousseau, directeur de l’OPL. Et qu’on ne me parle plus de la désaffection des jeunes face au classique. Un seul exemple, notre série Le dessous des cartes qui explique la fabrique de la musique. Au début, nous avions une centaine de moins de 26 ans dans le public, à la fin, plus de 400 : ça veut dire que les jeunes y trouvent leur compte.  » D’après le directeur, l’abonnement serait un système dépassé et il faut diversifier l’offre de concerts :  » C’est la variété d’offres qui crée la demande. Je m’oppose donc au développement d’un seul produit.  » Idem pour le programme : le maître mot donné à l’équipe est  » surprenez-moi ! « . Il faut créer du désir, proposer des  » événements musicaux  » plus que des concerts. Ne pas se limiter à l’espace confiné de la salle. Quand L’OPL investit la ville, cela participe de cette volonté de surprise.  » A l’inauguration de la gare des Guillemins, ce n’est pas le grand show du Cirque du Soleil qui a créé l’événement, estime Jean-Pierre Rousseau, mais la présence de l’orchestre avec une thématique centrée sur le train. C’est ce que le public a surtout retenu.  »

Quid de la singularité musicale de l’OPL ? Selon Jean-Pierre Rousseau, elle réside dans le fait que l’orchestre matérialise un carrefour entre les cultures germanique et latine.  » Nous concilions la rondeur disciplinée du son allemand et la clarté transparente de la sonorité française.  » En ce sens, César Franck constitue la référence. Le compositeur n’est pas né à Liège pour rien…  » Mais il y a aussi Saint-Saëns ou Chausson : ce sont des valeurs de référence pour l’OPL, car il s’y sent bien. Techniquement, le Berliner Philharmoniker ou le  » Vienne  » sont bien plus forts que nous, avoue Jean-Pierre Rousseau, mais nous sommes capables de transcender le niveau moyen des bons orchestres allemands grâce à cette ouverture à deux cultures.  » Pour Richard Piéta, concertmeister de l’orchestre depuis 1969,  » notre son n’est pas forcément volumineux mais plutôt sensible, pourvu de charme « .

L’esprit OPL repose sur l’intensité de son investissement, estime le concertmeister.  » C’est la mentalité liégeoise : nous sommes des artistes généreux qui aimons aussi rigoler. Nous donnons toujours le meilleur de nous-mêmes. Nous sommes entièrement réceptifs aux souhaits du chef et même quand on l’apprécie moins, nous ne sabotons jamais le travail.  » Chef du pupitre des altos aujourd’hui à la retraite, Michèle Babey confirme :  » L’orchestre se caractérise par sa capacité à se donner sans réserve lors des rendez-vous publics. Cette ferveur peut pourtant ne pas apparaître d’emblée. Si l’ardeur constitue le côté pile de l’âme latine, reste aussi le côté face : celui de la nonchalance… C’est vrai que beaucoup de chefs invités se sont trompés sur nous au début des répétitions : il faut du temps pour nous mobiliser. En fait, l’OPL opère plutôt sur le mode diesel. On démarre lentement puis on monte en puissance lors du concert. Dans tous ceux-ci, il se passe toujours quelque chose de fort, comme si un courant magique circulait entre nous. Tous les chefs que nous avons accueillis attestent qu’il s’est toujours passé quelque chose lors de nos prestations.  » Jean-Pierre Rousseau renchérit :  » Les solistes aussi : que ce soient Martha Argerich ou  » Tartempion « , ils ont tous senti un orchestre complètement engagé avec eux. C’est notre fierté collective. « 

Fierté collective

L’esprit de groupe qui unit les musiciens ne laisse pas d’impressionner :  » C’est tout à fait unique, insiste Richard Piéta. Les jeunes qui entrent sont immédiatement intégrés sans réserve. C’est pour cela que nous traversons fort bien l’épreuve du temps.  » Emilie Belaud, 1re soliste des premiers violons et l’une des jeunes recrues de l’orchestre, confirme :  » L’OPL est à l’image de la ville de Liège que j’adore : ferveur, enthousiasme, sens de l’accueil. Tout le contraire de Paris où j’ai fait mes études. Ici, pas de clans comme dans la plupart des autres phalanges. Pour un jeune, c’est formidable de se sentir accueilli, protégé par les anciens. On est tous bien plus que des collègues. Je n’ai jamais l’impression d’aller au boulot.  » Exit donc le cliché du musicien fonctionnaire, l’£il rivé sur l’horloge plutôt que sur la partition.  » Alors que les salaires belges des musiciens d’orchestre sont parmi les plus bas d’Europe, pourquoi resteraient-ils s’ils n’y trouvaient leur compte dans cet esprit particulier « , conclut le directeur.

Le programme des festivités de la saison est disponible sur le site de l’OPL (www.opl.be). Ces 17 et 18 septembre à 20 heures, concerts-surprises gratuits sur la place Saint-Lambert à Liège, dans le cadre des Fêtes de Wallonie.

PHILIPPE MARION

le maître mot donné à l’équipe est :

 » surprenez-moi ! « 

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