Dans la solitude maman s’en est allée

La veille du confinement, dans sa maison de repos, le 10 mars dernier, maman, 96 ans, avait encore des projets : un petit restaurant en ma compagnie, une nouvelle tenue printanière ; elle, si coquette ! Elle se déplaçait encore avec son déambulateur ; difficilement, c’est vrai. Mais elle retrouvait ainsi d’autres résidentes pour le repas au restaurant collectif. Elle faisait ses petits tours dans le couloir, avec sa gentille kiné. Les portes se sont fermées aux visiteurs. Elle, vers qui je m’en allais, plusieurs fois par semaine, s’est trouvée bien esseulée. Afin d’éviter la contagion, les repas ont été servis dans les chambres, les petits colis de douceurs interdits. Les vidéoconférences annulées, faute de temps. Maman, progressivement, seule pendant des heures, n’a plus été capable de s’extraire de son fauteuil ; ensuite, de marcher. Finis, les grands signes d’affection envoyés par la fenêtre. Du fauteuil au lit, toute la journée. Plus capable de décrocher le téléphone. Et moi, à quémander qu’on forme mon numéro de téléphone à sa place. De moins en moins faim, de moins en moins soif… Plus capable de s’exprimer. Je l’ai retrouvée quelques jours avant sa mort. Dénutrie, déshydratée, déjà dans une semi-inconscience. L’image qui m’a sauté aux yeux, c’est celle d’une victime d’un camp de concentration. Ma si charmante maman, à qui quelqu’un avait  » enlevé  » son alliance scellée à celle de mon père et qui n’a pas eu droit à une digne toilette mortuaire. Quelle immense tristesse ! Et pourtant, dans cette maison de repos, il y a des personnes soignantes, compétentes, sérieuses, courageuses et bienveillantes.

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