D’Aba Vangh à Zen

Enfin, un outil de pointe pour assurer l’information du public sur le phénomène sectaire. Avec, en prime, un centre de documentation qui promet d’être l’un des plus complets d’Europe

Sans tambour ni trompette, le Centre d’information et d’avis sur les organisations sectaires nuisibles (CIAOSN), créé par une loi de juin 1998, a vu le jour en août 2000, à Bruxelles, dans le quartier des Marolles (1). Appelé de ses voeux par la Chambre, dans le rapport de la commission d’enquête parlementaire sur les sectes qu’elle rendit public en avril 1997, cet observatoire indépendant (mais financé par le ministère de la Justice) a donc mis plus de trois ans à trouver sa vitesse de croisière.

Certes, l’absence de publicité autour de sa naissance n’a, jusqu’ici, mené au Centre qu’un nombre limité de consultants – particuliers, fonctionnaires, avocats, policiers, désireux d’en savoir plus sur les sectes. Lesquelles? Le manque de statistiques empêche de savoir quels groupements, parmi les 154 ayant déjà fait l’objet d’une (ou plusieurs) demandes d’informations, suscitent le plus d’interrogations. Quelque peu avare en chiffres, le premier rapport du CIAOSN révèle que près de la moitié de ces requêtes concernaient toutefois des associations autres que celles citées dans le rapport parlementaire de 1997 (qui en nommait 189 différentes)… Alarmée par les divers massacres et suicides collectifs de la fin des années 90, la population est devenue particulièrement suspicieuse: « Trois consultants sur quatre s’inquiètent pour des proches, constate Eric Brasseur, directeur du CIAOSN. Parfois, leurs doutes vont à l’encontre d’associations qui n’ont strictement rien à voir avec la problématique sectaire, comme des groupes philanthropiques. » L’angoisse découle de la méconnaissance des choses: « A côté de craintes justifiées, nous observons des peurs irrationnelles », admet le Pr Denaux (KUL), président du Centre.

Poussés par l’envie de découvrir ce qu’on dit d’eux, des membres de sectes ont aussi consulté, de manière anonyme. « C’est bien ainsi. Cela nous oblige à toujours présenter des documents imparables. Si des adeptes veulent apporter au débat des contre-arguments valables, tant mieux. » Le Centre ne traite en principe que d’organisations sectaires « nuisibles » – celles qui, conformément aux textes des lois, se livrent à des activités illégales dommageables, font du tort aux individus ou portent atteinte à la dignité humaine. Cette volonté très marquée de se détacher des apparences, de ne s’en tenir qu’aux infractions avérées pour évaluer la dangerosité d’un groupe ou d’un individu, fait honneur au nouveau Centre. Cette promesse d’objectivité n’a d’ailleurs pas échappé à des fidèles qui s’estiment injustement cités dans le rapport de 1997. Pour rétablir leur image écornée, et devant l’impossibilité de poursuivre le rapport devant la justice belge (il bénéficie, comme ses auteurs, de l’immunité parlementaire), certains (comme les bouddhistes) sont venus plaider leur cause. « Ces gens sont les bienvenus. C’est leur droit d’être entendus puisqu’on parle d’eux », assure Brasseur.

Les Mormons ont pourtant préféré faire la sourde oreille. En octobre 2000, l’Office des étrangers demandait en effet au CIAOSN son avis sur le degré de nocivité de l’Eglise de Jésus-Christ des Saints des derniers jours, afin de savoir si des visas belges pouvaient être accordés sans danger à des missionnaires étrangers… L’absence de réponse au questionnaire envoyé aux Mormons par le Centre n’a pas empêché ce dernier de rendre un avis modéré sur l’Eglise. Justifié, bien pesé sur diverses controverses publiques, il stipule clairement que le groupe ne présente pas de risque particulier, en Belgique, dans les circonstances actuelles. Fort de cet exercice de synthèse, le Centre a, d’initiative, appliqué la même recette à d’autres mouvements. Des dépliants destinés au public sont en préparation. Hélas, ils concernent des groupes peu nuisibles et peu agressifs. « Nous devions d’abord nous faire la main », expliquent, comme à regret, les responsables du CIAOSN. On l’attend donc au tournant sur des matières nettement plus coriaces, comme les églises évangéliques et pentecôtistes anglo-saxonnes ou la très mordante Scientologie.

(1) 139, rue Haute, à 1000 Bruxelles (02-504 91 68 ou CIAOSN just.fgov.be).

ISOPRESS

Valérie Colin

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