Courts-métrages au long cours

Mathieu Nguyen

Le court-métrage de pub s’éloigne des sentiers télévisés et gagne tant en visibilité qu’en longévité grâce au Net. Tout est permis pour créer le buzz. Et même le buzz du buzz.

Le Centre Pompidou, à Paris, accueillait en novembre dernier le festival du court-métrage de mode, A Shaded View on Fashion Film (ASVOFF), lancé par Diane Pernet d’après son blog éponyme. A travers ses lunettes papillon, l’icône fashion pose son regard sur les récentes évolutions artistico-publicitaires d’une industrie s’exprimant depuis des décennies en poses immobiles et amenée aujourd’hui à mettre ses belles images en mouvement. Trendsetteuse de génie, la Dame en noir a d’emblée capté l’importance à venir du  » fashion, style and beauty film  » : initié en 2008, ASVOFF s’est depuis exporté du Guggenheim de Bilbao à la Fashion Week de Moscou et a vu défiler des stars dont le rayonnement dépasse largement le cadre du catwalk. Invitée d’honneur de cette cinquième édition, Sofia Coppola fut elle-même l’une des muses de ce renouveau cinématographique. Auréolée du succès critique et public de ses Virgin Suicides, elle tourna le film Miss Dior Chérie à l’aube des années 2000 et inaugura un genre nouveau de court-métrage publicitaire chic et arty.

Depuis lors, les courts de pub ont acquis leurs lettres de noblesse. Dior a pris Rendez-vous avec Jude Law et Guy Ritchie, Chanel se paye Scorsese ou des binômes à succès (Jeunet/Tautou, Luhrmann/Kidman) alors que Gucci mise sur les très bankable Nicolas Winding Refn (Drive) et Blake Lively… L’essor du Net 2.0 a de plus permis une com’ plus décalée (voir les mannequins dégingandés dansant pour Lanvin), et l’usage de formats dont le plus mégalo des pubards n’oserait rêver, comme les webdocumentaires de Dior avec Marion Cotillard ou des capsules pâtissières de Vuitton. Les grandes marques ont vite compris que les vidéos virales, faciles à diffuser et à partager, garantissaient bien plus de vues qu’une onéreuse campagne télévisée et ouvraient la porte aux castings de rêve. Cette année, Prada a mis le paquet en s’offrant les services de Roman Polanski, Helena Bonham Carter et Ben Kingsley, pour le tournage de A Therapy, 3 minutes 30 irrésistibles projetées en avant-première au festival de Cannes. Rien que ça ! Dans un autre registre, l’empire de la mode a mis en scène son propre catamaran, le Luna Rossa, fouetté par les embruns artificiels d’un studio californien, pour la campagne de son dernier parfum (photo). Et n’a pas hésité à diffuser les secrets du tournage sur YouTube. Tout est bon pour générer des clics, des vues, des likes, on ose désormais jouer sur le  » buzz du buzz « , comme lorsque le photographe des stars, Tom Munro, est invité à signer un  » moodboard  » de Julia Roberts en plein tournage pour Lancôme. Ou quand Sam Taylor-Wood (Nowhere Boy) est engagée pour le making of du spot de Brad Pitt à la gloire du Chanel N°5, pourtant déjà sous la direction d’un autre réalisateur en vue, Joe Wright (Anna Karenine).

MATHIEU NGUYEN

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