Concierges de luxe

Les sociétés d’assistance personnelle haut de gamme étaient dédiées aux hommes d’affaires et aux stars du show-biz. Les sportifs d’élite en sont désormais friands. Jusqu’en Belgique.

En France, depuis l’arrivée des milliardaires qataris au Paris-Saint-Germain, les pépites du football mondial prennent leurs quartiers dans la Ville lumière : l’Argentin Javier Pastore en 2011, le géant suédois Zlatan Ibrahimovic l’été dernier et, début de cette année, David Beckham. Nouveau pays, nouvelle administration, nouvel appartement… En débarquant à Paris début février, Beck n’avait sans doute pas la force de prendre en charge les petits tracas du quotidien et surtout pas pour une pige de cinq mois. Par soucis de facilité, le Spice boy a donc décidé de déléguer ces corvées à une société de conciergerie de luxe qu’il peut solliciter quand bon lui semble.

Malgré son statut hors norme et ses 47 millions de dollars de revenus récoltés en 2012 selon Le Monde, Beckham n’est pas le seul athlète à utiliser ce service d’assistance personnelle. Réservé à l’origine aux hommes d’affaires, stars du cinéma ou de la musique, les sportifs d’élite – les Belges compris – ont de plus en plus recours à ces conciergeries :  » Sur 2 000 clients belges, nous avons une dizaine de sportifs « , confirme Zishan Ansari, directeur de Quintessentially Benelux, conciergerie officielle notamment du club anglais de Chelsea et donc d’Eden Hazard, la star de l’équipe nationale belge. Sentant le bon filon, des sociétés de conciergerie ont décidé de se spécialiser dans le service aux sportifs.

Justine Henin, Mbo Mpenza, Steven Defour, Christian Benteke…

Parmi elles, la  » généraliste  » UUU, qui a créé en 2009 Ultimate Player, filiale 100 % dédiée aux sportifs. Client d’UUU lorsqu’il jouait à Barcelone puis à l’AS Roma, le Français Ludovic Giuly avait eu l’idée de créer une conciergerie de luxe uniquement réservée à ses pairs.  » Il avait de plus en plus de demandes de la part de ses anciens coéquipiers du Barça et de la Roma qui voulaient utiliser sa carte pour obtenir des avantages, explique Benjamin Guiborel, directeur associé de la structure Ultimate player. Pourquoi ne pas répondre à cette demande ? »

Aujourd’hui, 450 sportifs ont leur carte au sein d’Ultimate Playerdans plusieurs pays, Belgique comprise. Il y a des footballeurs bien sûr (60 % des clients), des joueurs de tennis, des golfeurs, des nageurs, des athlètes, des cyclistes, des pilotes de Formule 1. Pas facile, pourtant, d’obtenir des noms : Ultimate veille à la discrétion. Côté français, on peut citer le footeux Philippe Mexès, le rugbyman Vincent Clerc ou le tennisman Gaël Monfils. En Belgique, Justine Henin, certains joueurs du Standard de Liège et Mbo Mpenza, désormais ambassadeur d’Ultimate player, auraient eu recours à la conciergerie. On n’en saura pas plus.  » C’est confidentiel !, clame l’ancien Diable rouge. Ce que je peux vous dire c’est qu’il n’y a pas que des stars internationales. On a par exemple des footballeurs de deuxième division.  »

Santiago Alvarez, fondateur de la société de conciergerie BMS Belgium, basée à Liège et qui compte 90 % de sportifs dont une grande partie de footballeurs, est moins taiseux pour dévoiler les noms de ses clients : Steven Defour (FC Porto), Réginal Goreux (Samara), Medhi Carcela (FC Anzhi Makhachkala), Eiji Kawashima (Standard), Christian Benteke (Aston Villa), Paul-José M’Poku (Standard), Sébastien Pocognoli (Hannovre), Luis Pedro Cavanda (Lazio de Rome), Birkir Bjarnason (Pescara).  » Ce sont des amis pour la plupart, assure- t-il. Ça marche par bouche à oreille. Depuis deux ans, on a de plus en plus de clients.  »

Pour bénéficier des services de ces sociétés, il faut du budget. Tous les athlètes d’Ultimate player ont déboursé 3 800, 6 000 ou 28 000 euros, par an, selon la formule choisie.  » A ce prix, notre client a le droit à un concierge individuel qui lui est entièrement dédié « , précise Benjamin Guiborel. Pas si cher quand on sait que Samuel Eto’o, l’attaquant camerounais, par exemple, touche 20 millions d’euros net par an…  » La conciergerie négocie les prix à l’avance. Cela permet aussi aux personnes connues de payer moins cher. Quand on s’appelle Zidane, le jardinier ou l’électricien, par exemple, vous facturent plus que la normale « , assure le plus âgé des frères Mpenza.

Une seule limite :  » la légalité  »

Déménagement, transport en avion, ouverture des comptes bancaires, inscription des enfants à l’école, de madame à un club de sport, connexion à Internet… Les demandes des sportifs seraient pour la plupart liées à leur installation dans un nouvel environnement.  » Elles répondent à de vrais besoins. Il n’y a pas que du bling bling. Il y a souvent une fausse image des conciergeries « , insiste Benjamin Guiborel.  » Les sportifs de haut niveau sont parfois nonchalants, souvent à l’étranger ou au vert. Ils ont donc parfois des problèmes de factures ou avec les huissiers, confirme Santiago Alvarez On a créé un pack « gestion » pour s’occuper entre autres du paiement de leurs factures.  »

Hormis ces sollicitations pratiques, les conciergeries réalisent pourtant quelques fantasmes. Quintessentially Benelux a par exemple obtenu une voiture de luxe  » édition limitée  » pour un sportif belge de premier plan et organisé une rencontre entre le groupe pop LMFAO et deux footballeurs belges évoluant en Italie. Pour un client, BMS est parvenu à décrocher une table à Rome dans un restaurant complet et une place pour un concert de Céline Dion à Las Vegas, en moins de douze heures.

Bien aidés par un réseau de 12 000 prestataires à travers le monde, les 65 salariés d’Ultimate Player (dont 6 en Belgique)ont quant à eux réussi à arranger une journée putting pour un joueur belge fan du golfeur numéro 1 français, Thomas Levet. La conciergerie parvient aussi chaque année à dégoter pour ses clients demandeurs des places VIP pour la finale de la Ligue des Champions.  » Ces accords nous permettent d’avoir des tarifs préférentiels et de réaliser des choses qu’il serait difficile voire impossible à faire sans passer par nous. Notre seule limite est la légalité même si on a parfois des échecs, admet Guiborel. On n’est pas Dieu non plus…  »

Peut-être pas, mais l’entreprise arrive quand même à contenter certaines demandes extravagantes comme le caprice de ce footballeur anglais qui souhaitait privatiser une île à côté de Bali pour sa famille, son coach personnel et un prof de ski nautique. Le coût : 300 000 euros…  » On a de la chance. Les sportifs de haut niveau ne sont pas touchés par la crise. Ils gagnent de plus en plus d’argent.  »

La conciergerie n’est pas en reste. Avec un chiffre d’affaires de plus d’un million d’euros en 2012, Ultimate Player entend désormais ouvrir des bureaux en Italie, en Espagne et à New York,  » la place du sport en Amérique du Nord « . Du sport business, surtout. ?

JACQUES BESNARD

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