Comme un éblouissement

Louis Danvers
Louis Danvers Journaliste cinéma

Producteur du Peuple singe et de Microcosmos, Jacques Perrin signe avec Le Peuple migrateur un hommage superbe aux oiseaux et à la vie

Voir de là-haut ce que voient les oiseaux. Voler avec eux durant ces migrations qui, deux fois l’an, leur font parcourir des milliers de kilomètres pour assurer la survie de l’espèce. S’émerveiller des beautés de la Terre vue du ciel, ignorer les frontières, célébrer la liberté en mouvement. C’est une expérience unique et inédite que nous propose Francis Perrin avec Le Peuple migrateur, remarquable illustration d’un genre, le documentaire animalier, auquel il a largement contribué en produisant ses deux plus belles réussites en France: Le Peuple singe (1988) et Microcosmos (1996).

« Je ne suis pas capable de faire un film traditionnel. Il y a tant de nouvelles fenêtres à ouvrir! » clame celui qui fut un acteur apprécié avant de se tourner vers la production (il est responsable, outre les films précités, d’oeuvres comme Z, Etat de siège, Section spéciale, La Victoire en chantant, Le Désert des Tartares, Les Quarantièmes Rugissants et, plus récemment, Himalaya, l’enfance d’un chef). A sa sensibilité politique (ses productions dénoncèrent, notamment, la dictature en Grèce et en Amérique latine, les tribunaux d’exception en France et le colonialisme en Afrique) s’ajouta très vite une attention intense aux rapports entre l’homme et son environnement.

Prendre de l’altitude

C’est dans ce cadre que s’inscrit la veine animalière de Perrin, une veine qu’il exploite avec une rigueur certaine, un refus farouche de l’anthropomorphisme et un sens esthétique qu’il ne craint pas de mettre en exergue « tant il (lui) semble important de donner à partager la beauté de la nature, sur écran large et avec tous les moyens créatifs du cinéma dans ce qu’il a de plus grand, comme, par exemple, dans Microcosmos, où un dispositif unique a été mis au point pour pouvoir opérer des travellings… de deux centimètres! »

Le défi, cette fois, était particulier, les oiseaux n’offrant ni la proximité troublante de la gent simiesque ( Le Peuple singe) ni la fascinante étrangeté de l’univers des insectes ( Microcosmos). « Les oiseaux, avec leur oeil fixe et impénétrable, provoquent même chez certains un sentiment de peur, commente Jacques Perrin, et seul le rêve de voler nous projette vers eux, et encore, de manière allégorique. » Conscient d’avoir à affronter « des préjugés, des méconnaissances », le réalisateur-producteur a fait le choix de « s’approcher du sujet au point de nous faire épouser son mode de vie et, surtout, son regard, tout en rendant sensibles ces espaces fabuleux dans lesquels il navigue. »

Pour restituer « cet éblouissement d’être les premiers à voler au milieu des oiseaux, d’apercevoir la Terre telle qu’eux seuls peuvent l’observer », Perrin, ses deux coréalisateurs et ses nombreux chefs opérateurs ont sillonné la planète sur les traces des migrations. Ils ont saisi les évolutions des oiseaux sauvages, ils en ont élevé d’autres, pour que, « imprégnés », ils acceptent au beau milieu de leur vol les engins type ULM portant les preneurs de vue et leur équipement.

Le résultat est magnifique, faisant du Peuple migrateur une grande réussite, renforcée par une musique idéale de Bruno Coulais où interviennent, notamment, les voix de Nick Cave et de Robert Wyatt. On soulignera encore l’économie de commentaires, aussi laconiques que factuels, abandonnant l’aspect didactique à la série télévisée qui suivra et que diffusera en priorité Canal +. Au terme d’un travail fait de patience et de précision (le rapport entre images retenues dans le montage final et saisies durant l’année et demie que dura le tournage est de 0,5 pour 1000!), Francis Perrin nous transmet « ce sentiment de découverte et d’émerveillement » qui ne le quitta jamais, et qu’il compte retrouver bientôt dans un nouveau projet « mariant la fiction au documentaire comme on ne l’a jamais fait jusqu’ici ».

Louis Danvers

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