Clones et OGM

Ah, si au moins on avait choisi un autre mot! soupirent d’éminents scientifiques américains. Tout ce bruit autour du « clonage » n’aurait pas lieu si on avait conservé des appellations savantes pour désigner les techniques permettant de produire des cellules souches embryonnaires. On voit en effet jusqu’aux parlements s’emparer du mot « clonage », pour l’interdire au nom de la morale ou de la religion, alors qu’il s’agit seulement, par exemple, de cultiver des cellules par multiplication d’une cellule germinale dont on a remplacé le noyau. Cette fatale erreur de vocabulaire nous vaut la mise en péril d’une industrie naissante et ô combien prometteuse, puisque l’espoir est de régénérer, à terme, pratiquement tous les tissus et fluides du corps. Si, au lieu de brandir le mot clonage, les chercheurs s’étaient contentés d’utiliser un sigle cabalistique, ils auraient fait l’économie d’un psychodrame médiatico-politique alimenté par l’ignorance du bon peuple. Pour prendre un contre-exemple, qui s’émeut de la banalisation de l’ICSI, une technique qui consiste à faire des enfants à l’aide de spermatozoïdes incapables de pénétrer un ovule ?

Les spécialistes des OGM pourraient se livrer à un examen de conscience du même genre. Pourquoi parler d’organismes alors qu’il n’est question que de plantes? Pourquoi présenter comme une nouveauté le fait de « génétiquement modifier », puisque la nature pratique ce travail depuis les origines de la vie, et l’homme depuis le néolithique? Au lieu d’OGM, n’aurait-on pas mieux fait de parler, par exemple, de PATG (plantes améliorées par transgénèse)?

Clones ou OGM, même combat! D’un côté, des scientifiques compétents dans leur domaine mais politiquement naïfs; de l’autre, un public mal informé et technologiquement naïf. Résultat de ces erreurs de langage: une foire d’empoigne.

Peut-être. Mais ces erreurs de langage n’ont-elles pas un sens ? En ayant recours eux-mêmes à ces mots qui fâchent, les scientifiques ont-ils seulement fait preuve de naïveté ? N’ont-ils pas voulu faire part, aussi, de leur exaltation devant ces nouveaux témoignages de la puissance de l’homme face à la nature? Et n’est-ce pas cette jouissance, avant tout, que le grand public a sentie, pour s’en inquiéter?

DE OLIVIER POSTEL-VINAY

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