Anne-Laurence Delbèque, Marie-Cécile Royen, Mélanie Geelkens, Laurence van Ruymbeke, Soraya Ghali et Ysaline Parisis © Hatim kaghat

Clair de femme

Nous n’étions pas d’accord entre nous : parce que les femmes constituent le fil rouge de cette rétrospective 2018, il leur reviendrait de tenir l’éditorialisante plume ? Et pourquoi, je vous prie ? L’universel aux garçons, la défense des femmes, aux femmes ? Oui, mais non. Non, mais oui. Nous ne voulions pas être dupes. Et nous ne le sommes pas. Pour tout dire, cette rétro 2018 du Vif/L’Express, nous aurions beaucoup aimé qu’elle n’ait pas même à s’imaginer. Aurait-on l’idée de faire un numéro spécial hommes ailleurs que dans un magazine de mode ? Mais en effeuillant les jours de cette année en fin de soupir pour s’en rappeler les couleurs, les notes et les silences, le genre féminin s’est imposé dans la danse : en Belgique, en Europe, dans le monde. Sur les scènes politique, économique, culturelle, sociale, sportive, judiciaire ou associative, sur tous les fronts donc – et ce vocable guerrier n’a rien d’excessif – c’est d’abord un visage de femme qui s’est dessiné. Diantre ! La femme serait donc un événement neuf ? L’an 2018 aurait signé la révélation surprise de l’existence de la moitié de l’humanité ? Non, mais en fait oui, en quelque sorte.

Car, sans tambour ni trompette, il y a comme un vent qui se lève. Pas un ouragan, non, plutôt un zéphyr. Un frémissement, une brise tranquille qui souffle et dépose ses messages dans toutes les sphères de la vie, désormais. Le prix Nobel de la paix, par exemple, attribué à Nadia Murad et à Denis Mukwege, un homme tout entier consacré aux femmes et à la réparation de leurs corps déchirés. Les deux membres de cet improbable duo sont récompensés pour leur rage à combattre les violences sexuelles utilisées comme armes de guerre. En Belgique, des entreprises comme Solvay ou Brussels Airlines sont à présent aux mains de femmes. Depuis les élections d’octobre, davantage de communes sont dirigées par une bourgmestre. Là encore, ce n’est pas un tremblement de terre. Mais la terre bouge quand même. Il y a aussi la voix d’Angèle. La plume d’Adeline Dieudonné. Les larmes de Cécile Djunga. Les cris de victoire de Nina Derwael. Plus loin, les mots sincères de Michelle Obama. Et même les cernes abyssaux de Theresa May. Ce n’est pas comme une longue fête des mères, ce jour de grâce annuel durant lequel les mamans sont submergées de colliers en pépins de melon ou de sorbetières qui font aussi fer à friser.

Ce ne sont pas non plus les éphémères répliques du raz de marée initial qu’était #MeToo. C’est une vague lente, qui vient de loin et que rien ne semble pouvoir briser : une présence de femmes. Elles sont debout. Elles ne sont pas victimes. C’est très différent. Et là-dessus, nous étions toutes d’accord.

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