Chercheurs d’asile

Louis Danvers
Louis Danvers Journaliste cinéma

The Last Resort s’attache avec grâce aux mésaventures d’une jeune immigrée russe confinée dans un centre anglais pour réfugiés en attente

Il ne se passe pas une semaine sans que des nouvelles évoquent le nom de Sangatte, petite bourgade du Pas-de-Calais où est installé un centre de regroupement pour immigrés clandestins. De l’autre côté de la Manche, les Britanniques ont aussi leurs installations du genre. The Last Resort nous invite à y faire un petit séjour sur les pas d’une jeune Russe et de son fils.

Un peu naïve, et amoureuse d’un Anglais, Tanya s’était envolée pour Londres avec la certitude que son fiancé allait venir l’attendre. A l’aéroport, il n’était pas là. Et, faute de pouvoir le joindre (il avait branché son répondeur), elle et son rejeton se sont retrouvés transférés par les autorités dans un centre d’hébergement situé dans une petite station balnéaire quasi déserte. Là, sans passeport ni argent, suspendue au fragile espoir de retrouver son ami et d’obtenir un statut, Tanya va rencontrer un autre Anglais, tenancier de salle de jeux, qui s’éprendra d’elle et lui viendra en aide…

The Last Resort est un film de fiction. Mais de ces fictions tellement nourries de réalité qu’elles semblent être la vie. Le réalisateur Pawel Pawlikowski, lui-même immigré de Pologne avec sa famille à l’âge de 12 ans, travaille depuis une décennie avec la BBC qui soutient ses projets tantôt documentaires (sur le nationalisme serbe ou sur un descendant de Dostoïevski), tantôt fictionnels ( The Stringer, présenté au Festival de Cannes en 1998). C’est à Margate, dans le Kent, que le cinéaste a trouvé le décor de son nouveau film. 3 000 demandeurs d’asile vivent provisoirement dans un quartier périphérique de cette ville comptant 45 000 habitants. Loin de vouloir réaliser « un de ces films réalistes sinistres dont le cinéma britannique est trop friand », Pawlikowski a choisi de nous parler d’amour. De celui, illusoire et déçu, de Tanya pour l’homme qui l’a laissée tomber au moment où elle avait le plus besoin de sa présence. Et de celui qu’éprouve pour elle Alfie, anglais mais marginal lui-même, et qui sait qu’aimer est avant tout donner. Dina Korzun et Paddy Considine incarnent admirablement ces personnages blessés, exclus chacun à sa manière du monde qui fait notre ordinaire.

Vivant, vibrant, modeste

« J’aime les lieux et les personnages que nous occultons de notre représentation mentale, je veux que les gens aient des images de vie qui les déstabilisent », déclare Pawlikowski. Sur fond de témoignage social et humain d’autant plus précieux qu’il est rare, son film nous offre une émotion très pure, conjuguée au quotidien d’un univers si lointain et pourtant si proche à la fois. The Last Resort, petit bijou de cinéma vivant, vibrant, modeste, fait partie de ces oeuvres qui nous regardent en même temps que nous les regardons.

Louis Danvers

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