Chercher sa demeure

ghislain cotton

Inspiré par William Blake, Chercher sa demeure était le titre d’un remarquable roman de Sylvie Doizelet. Il ne s’agissait pas d’une recherche immobilière, mais bien d’une quête de soi-même . Un peu de soleil sur les planchers, le dernier roman de Geneviève Bergé ressemble davantage à une recherche immobilière, et pourtant c’est aussi un inventaire de l’âme, des désirs et des choix de Martha, la narratrice de cette  » épopée « , que constitue l’achat d’une maison. Bien entendu, on visite d’abondance, mais c’est aussi l’occasion de revisiter la mémoire de cette épouse et mère de deux enfants  » ordinaire « , artiste (elle peint), et plus proche du bonheur que d’un quelconque mal de vivre. On aurait pu hériter d’une de ces real stories d’outre-Atlantique sur les péripéties et déconvenues d’une candidate à l’achat, saupoudrée de cet humour domestique, mâtiné d’un brin d’autodérision, qui fit naguère les beaux jours des lecteurs du Reader’s Digest.

Certes, l’humour est bien présent dans le livre de Geneviève Bergé, mais il a toutes les grâces de l’intériorité. D’un regard poétique sur les choses et des retentissements intimes qu’il suscite. Même lorsqu’il s’agit de consacrer un chapitre aux bidets ou aux tabatières. Ou à une rampe d’escalier. Celle, en aluminium, qui, dès le premier coup d’£il jeté par la porte d’entrée a provoqué chez Martha des révulsions en pagaille, un flot d’hypothèses fantasques et bilieuses, ranimé des souvenirs d’enfance et entaché d’horreur toute idée d’acheter une maison, à première vue assez attrayante, empoisonnée par ce  » dinosaure « . Par ce serpent d’acier qui lui est  » rentré dans l’£il comme la jalousie dans le c£ur de Caïn « . D’une fragilité à l’autre, l’auteur pénètre au c£ur de ces jardins intimes où nous cultivons des manies et des lubies plus déterminantes pour nos choix que les évidences et les raisons les plus impérieuses. Que dire des détails qui nous tiennent des propos aussi tentateurs que ceux susurrés par le serpent à l’oreille d’Eve ? Et des enchantements fallacieux nés d’  » un peu de soleil sur les planchers  » ?

Enfin, voici le choix opéré. Se rendre compte que la maison élue fut naguère un bordel, est-ce bien grave ? Non, bien sûr. Sauf que cela permet à l’auteur de clore sur une galerie de propos intérieurs prêtés à tous les proches conviés à la pendaison de crémaillère. Et d’en faire un régal à la fois cruel et pénétrant sur les rapports humains régis par les faux-semblants de la vie en commun, qu’ils soient les plus fraternels ou les plus perfides.

Un peu de soleil sur les planchers, par Geneviève Bergé. Luce Wilquin, 215 p.

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