Chasse à l’homme

Pourquoi les hommes s’obstinent-ils à s’inventer des ennemis ? Pour ne pas trop avoir à fouiller à l’intérieur d’eux-mêmes. Parce qu’il est plus simple d’esquiver ses propres incompréhensions et ses obsessions. Frappée par la résurgence de la xénophobie qui touche la France, la lauréate du prix Goncourt 2014 a voulu interroger ce phénomène avec les outils de la fiction. Un ancien professeur atteint d’un cancer décide de tout quitter pour finir sa vie dans un petit village français. Débarqué dans cet environnement nouveau, il se trouve en proie aux regards en biais, aux silences gênants, aux insultes marmonnées dans les moustaches avinées. Au comptoir du café des Sports, un groupe d’habitués n’en finit pas de commenter l’arrivée de ce type un peu différent, trop discret pour être innocent. Il y a Dédé, Marcelin, Emile le Parigot, Gérard le sentimental. Sur le mode piquant de la conversation de bistrot, leurs langues déliées s’entremêlent à la voix de l’étranger, introspective et sensible. Dans ce roman de la domination et de l’exclusion, Lydie Salvayre tente de trouver une forme apte à dire et à faire sentir le drame de la fracture sociale. Avec patience, elle poursuit son travail sur la langue populaire, l’oralité, tissant en filigrane la crise d’une masculinité diluée dans un présent sans relief et un avenir médiocre. Dommage que le récit tourne sur lui-même, mimant un peu trop la dislocation qu’il cherche à épingler.

Tout homme est une nuit, par Lydie Salvayre, Seuil, 256 p.

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