© YVES BOUCAU/BELGAIMAGE

Chasse à l’enfant

Schaerbeek – ce jeudi 4 mai, 8 h 20 – à l’arrêt du 55, une dizaine d’agents de la Stib accompagnés de policiers en uniforme contrôlent les passagers du tram.

C ‘est l’heure d’accompagner les enfants à l’école. Le tram est bondé de mamans et d’enfants qui portent de gros cartables. Contrôle des tickets et des cartes d’identité. La Stib participe à la chasse aux sans-papiers. A la chasse aux enfants sans papiers.

La loi prévoit qu’avec ou sans papiers, tout enfant est soumis à l’obligation scolaire. Les enfants sans papiers vont à l’école comme les autres et s’y rendent en tram comme les autres.

L’éducation est un droit que l’Etat doit respecter. Mais encore faut-il arriver jusqu’à l’école.

Contrôler l’identité des familles qui, visiblement, accompagnent des enfants à l’école, c’est ignoble. C’est indigne de notre société. Nous ne pouvons pas l’accepter.

La Stib n’a-t-elle pas d’autres tâches à accomplir ? La mobilité à Bruxelles est un vrai problème. Le matin, nos trams sont bondés. Il est parfois impossible de monter. Il faut attendre le tram suivant au risque d’arriver en retard. Alors par pitié, le budget alloué à cette atroce opération de chasse aux enfants sans papiers, utilisez-le pour ajouter un tram ou deux sur la ligne.

Ces policiers n’ont-ils pas d’autres tâches plus importantes et plus urgentes que d’arrêter une maman sans papiers devant ses enfants de 7 ou 8 ans ? La peur qu’ils ressentaient était palpable.

Une telle opération n’a pas d’impact sur le taux de criminalité ni sur l’insécurité. Cela n’améliore le quotidien de personne. Personne ne peut s’en réjouir. Arrêter des gosses et leur mère n’a pas d’autre but que de terroriser ces familles et les familles qui assistent impuissantes à ça. Que devons-nous répondre à nos enfants qui demandent :  » Maman, pourquoi ils arrêtent des enfants ?  »

Tout le monde a ressenti ce malaise affreux d’assister à une scène surréaliste, nous étions impuissants et honteux de notre impuissance. Nous aurions pu, nous aurions dû, être capable d’organiser une action de désobéissance civile dans l’instant. Nous étions assez nombreux pour bloquer les portes et empêcher ce contrôle indigne. Nous ne l’avons pas fait. Nous n’étions pas prêts, pas organisés, pris au dépourvu par un sentiment de paralysie horrifiée.

Les agents de la Stib et les policiers présents ont aussi ressenti ce malaise. Mais ils ont choisi de faire taire leur conscience et d’obéir aux ordres.

J’ai demandé à un agent s’il se rendait compte qu’il participait à la chasse aux enfants sans papiers. Il m’a répondu :  » Je ne fais que mon travail.  » Il n’avait pas l’air méchant, ce n’était pas une brute. Juste un honnête type qui fait son travail. Je ne sais pas ce que vous en penserez. Mais moi, j’ai pleuré.

 » C’est la meute des honnêtes gens, Qui fait la chasse à l’enfant « , écrivait Jacques Prévert.

SELMA BENKHELIFA, AVOCATE -PROGRESS LAWYERS NETWORK
SELMA BENKHELIFA, AVOCATE -PROGRESS LAWYERS NETWORK

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