Chanson de geste

Dans le cadre du Kunstenfestivaldesarts, le compositeur et cinéaste Thierry De Mey présente une ambitieuse chorégraphie inspirée des technologies numériques : Simplexity, ou quand le geste se mue en musique.

« Un beau geste révèle la présence de celui qui l’exécute.  » Ces quelques mots résument à eux seuls la fascination de Thierry De Mey pour le mouvement. Musicien et chorégraphe, celui qui crée des musiques de scène ou de films et des installations chorégraphiques multimédia enferme aussi régulièrement les créations des autres sur pellicule (Anne Teresa De Keersmaeker, Wim Vandekeybus et Michèle Anne De Mey, soeur de Thierry).

Avec Simplexity, programmé dans le cadre du Kunstenfestivaldesarts, l’artiste quinquagénaire et inclassable fusionne aujourd’hui ses expériences en un spectacle transdisciplinaire.  » Le monde se complexifie. Le danger, avec la musique contemporaine, est donc de se dire : soit on fait quelque chose de très simple, en risquant le réductionnisme et le décalage avec le monde actuel, soit on décide de rendre compte de cette complexité, et on écrit une musique à laquelle l’auditeur ne peut pas s’identifier, vu son degré de difficulté.  » Thierry De Mey a donc opté pour la… simplexité. Dans le domaine des sciences cognitives, le concept de simplexité fait référence aux opérations du cerveau qui lui permettent de clarifier une situation alambiquée afin de pouvoir l’appréhender.  » Le spectacle s’inspire de cette notion puisqu’il consiste à utiliser les ramifications des technologies digitales, qui font partie du monde d’aujourd’hui, tout en en rendant compte de la manière la plus intuitive possible.  »

Catalogue de mouvements

Le projet Simplexity est né à Paris, à l’Ircam, une institution dédiée à la recherche et à la création musicale contemporaine. A la base, celui qui est l’un des directeurs de Charleroi/ Danses y entreprend un projet de recherche baptisé Taxinomie.  » L’idée était de créer un catalogue de mouvements qui pourraient induire de la danse et de la musique. J’ai posé des capteurs sur une vingtaine d’objets et d’animaux (pendules, chauves-souris en vol, serpents ondulants…). J’ai ensuite modélisé leurs gestes et récupéré des dessins informatiques.  » Cinq danseurs se sont ensuite emparés de ces courbes pour inventer les phrases chorégraphiques du spectacle. Cette stratégie de création a également été appliquée sur le plan musical puisque, sur scène, ce sont les mouvements des corps qui influencent le jeu des musiciens.  » C’est de la composition dans l’instant.  » Le chorégraphe va même jusqu’à poser des capteurs sur les mains des instrumentistes et sur les pieds des danseurs : ainsi détectés, les mouvements dansés par un ordinateur deviennent à leur tour générateurs de son. Thierry De Mey a enfin imaginé toute une série d’outils informatiques lui permettant de définir un vocabulaire musical supplémentaire et de compléter la partition jouée par cinq musiciens de l’Ensemble intercontemporain.  » Il est important de savoir que j’ai, à chaque fois, vérifié avec les danseurs qu’ils pouvaient suivre les rythmes générés par l’ordinateur. Si c’était validé, on les importait dans la partition et j’y ajoutais des progressions harmoniques. Ce n’est donc pas quelque chose d’abstrait : chaque proposition a fait l’objet d’une vérification dans le corps.  » Entre écriture et liberté, le résultat est une oeuvre transdisciplinaire où les matières s’enrichissent mutuellement pour plus de clarté.  » Je me demande quelle poésie cela va générer auprès d’un public qui ne connaît pas toutes ces clés « , s’interroge l’artiste. De Mey fait ce qu’il lui plaît. En toute simplexité.

Simplexity. La beauté du geste, Thierry De Mey : première mondiale au Kaaitheater, à Bruxelles. Du 20 au 22 mai. www.charleroi-danses.be / www.kfda.be

PAR SASKIA DE VILLE

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