Zakia Khattabi et Jean-Marc Nollet : présenter le changement comme heureux ? © NICOLAS MAETERLINCK/BELGAIMAGE

Changement choisi et changement subi

Ecolo est mal à l’aise sur certains sujets, sur lesquels il évite de faire campagne. Raison de plus pour en parler.

Ecolo au coeur du changement, c’est l’histoire du libertaire qui n’ose pas dire qu’il va devoir donner des ordres. Portés par une vague aussi juvénile que populaire, les verts ont beau jeu de se laisser guider par les vents favorables. Mais en ces mobilisations réside une forme de paradoxe, qui est aussi celui d’Ecolo, et dont les dirigeants évitent soigneusement de parler. Les manifestants agissent pour que les politiques agissent, mais les conséquences de ces éventuelles actions politiques sur ceux qui n’ont pas agi sont négligées, voire tues. La première partie du constat, qui impose l’urgence et donc l’action, est explicite, voire criée : il faut prendre des mesures pour limiter les émissions de gaz à effets de serre.

Mais les effets de cette action sont tus : ces mesures concerneront tout le monde, pas seulement les dirigeants qui ne les ont pas encore prises. Il faudra, d’une manière ou de l’autre, limiter notre consommation de carbone, donc manger, bouger, se chauffer, se détendre, vivre autrement. Ce silence, c’est le grand tabou d’Ecolo. Or, personne aujourd’hui ne peut contester que nos modes de vie, nécessairement, vont devoir changer (voir page 36) : si des dispositions pour limiter l’augmentation des températures sont prises, notre vie changera. Si des dispositions pour limiter l’augmentation des températures ne sont pas prises, notre vie changera aussi, et probablement encore plus. Présenter le changement comme heureux, laisser croire qu’il ne dépend que de la volonté de quelques-uns, politiques et industriels, et faire comme s’il n’embêtera que quelques dirigeants enfermés dans leurs certitudes carbonées, c’est cacher un morceau du problème et n’exposer qu’un morceau de la solution.

Il y a bien sûr de la tactique dans ce silence, car ils sont rares les électeurs qui votent pour la formation qui promet de leur imposer des changements dont ils ne veulent pas. Mais il y a aussi un impensé, ce qui en fait un authentique tabou, car Ecolo est un parti qui a du mal avec l’autorité. Il est né de l’effervescence libertaires de l’après-Mai 68, et il accorde autant d’importance à la mécanique par laquelle des dispositions sont prises qu’à leur contenu même. Celles-ci doivent être délibérées, coconstruites, codécidées. C’est ainsi, disent les écologistes, que le changement sera le mieux accepté : lorsque sa nécessité et ses modalités seront largement partagées. Lorsque le changement sera choisi et non subi. Les appels à la simplicité volontaire ont, de longue date, accompagné les évolutions de l’écologie politique.

Mais comment généraliser une simplicité nécessaire quand elle n’est pas volontaire ? Ecolo ne le dit pas. Parce qu’il ne veut pas perdre les élections, mais pas seulement : parce qu’il ne l’a jamais pensé. C’est la veine que veulent exploiter, à gauche, ceux qui disent qu’il ne faut pas que les classes populaires soient privées de ce dont les plus aisés pourraient continuer à jouir. C’est aussi la veine que veulent creuser, à droite, ceux qui disent que l’écologie porte en elle la régression comme la nuée porte l’orage. Tout le travail écologiste, pour ce restant de campagne, est d’éviter que cette veine ne s’ouvre toute grande.

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