(1) Les Leçons du Japon, un pays très incorrect, par Jean-Marie Bouissou, Fayard, 430 p.

Cette société unique

Un fort contrôle social, peu de protection sociale.

Rappelez-vous. A l’époque de l’exécution d’étrangers dans le califat de Daech, les Japonais otages des terroristes étaient traités, au pays après leur libération ou même leur décès, plus en coupables qu’en victimes. Ils étaient en effet jugés  » responsables  » d’avoir mis les autorités dans l’embarras. Ainsi va le Japon où le contrôle social par l’Etat ou par la communauté est si puissant que s’en émanciper apparaît rapidement comme une trahison. Représentant de l’université parisienne de Sciences Po à Tokyo, Jean-Marie Bouissou, décrypte avec subtilité cette étrange société nippone dans Les Leçons du Japon.  » Chaque Japonais met sans cesse un peu d’huile dans les rouages sociaux qui chez nous tendent à grincer, et tous montrent qu’ils ont conscience que l’interaction sociale n’est pas seulement une affaire de rapports de force ou de commodité « , résume l’auteur.

Au Japon, la liberté n’est pas un droit naturel, ni une valeur absolue u0022.

La recherche de cette cohésion entraîne des travers et des avantages, résumés dans ce double constat :  » Au Japon, la liberté n’est pas un droit naturel, ni une valeur absolue. […] La priorité est donnée à la fluidité de l’interaction sociale.  » Ainsi, les tensions intra et inter communautaires s’avèrent limitées (le nombre d’étrangers est réduit à 2,5 % de la population).  » Si chacun empiétait si peu que ce soit sur l’espace du voisin, la société serait invivable, explique Jean-Marie Bouissou. Alors, tout le monde évolue dans une bulle.  » Revers de la médaille, les exclus du système en souffrent d’autant plus qu’ils ne bénéficient pas de la protection sociale appliquée dans les démocraties européennes. Certaines aides sont, par exemple, soumises à la… non-possession de certains biens. Et du modèle très strict d’organisation hiérarchique hérité de la pensée confucéenne, ajoute l’auteur,  » résulte une discrimination structurelle à l’égard des groupes considérés comme inférieurs, à commencer par les femmes « .

En revanche, l’impératif de la cohésion construit aux yeux de Jean-Marie Bouissou  » un pays qui se tient et qui s’aime  » et un pays où  » la correction des dysfonctionnements de la société passe par un processus de maturation plus lent, dans lequel les militants ne cherchent pas la disruption, ni la révolution, mais l’évolution « . Entretenue par la répétition saisonnière de manifestations collectives plus ou moins festives et par le mixte religieux shinto-confuciano-bouddhiste, l’idée de la nation est encore une réalité forte au Japon. Et si la démographie faiblissante, les affres de la dette publique et la panne d’innovations la menacent, l’auteur parie que l’invention d’un modèle d’immigration inédit et la mise en place d’un nouveau rapport aux genres pourront la sauver.

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