Ces nouveaux  » militants  » séduits par les verts

A deux mois du scrutin, Ecolo s’envole dans les sondages. Qui sont ceux qui votent Javaux ? D’où viennent-ils ? Leur poids pourrait être décisif pour le parti vert.

On voit du vert partout ! Ecolo pourrait doubler son score, au scrutin régional du 7 juin : les sondages lui prédisent quelque 20 % des intentions de vote. Il serait le deuxième parti à Bruxelles (derrière le MR), et le troisième en Wallonie (derrière le PS et le MR). D’abord, on se souviendra que les sondages ne sont pas une science exacte et que l’on parle d’intentions de vote. Sans oublier les 10 % d’indécis : il est impossible de prédire combien d’entre eux finalement glisseront un bulletin vert dans l’urne. Il n’empêche, ces nouveaux écolos ouvrent le jeu politique et rebattent les cartes. Avec le risque qu’ils ne fassent que passer et s’envolent au prochain scrutin. Radioscopie de ceux qui, cette année, vont probablement voter vert.

Ecolo conserve son core-business

C’est logique : Ecolo peut compter sur son électorat traditionnel. Le vote des militants reste acquis au seul parti vert, où l’écologie ne se résume pas à un argument marketing, à l’image des autres formations politiques  » qui ont toutes opté pour un vernis vert « . On sait que les militants bénéficient d’un capital d’instruction élevé, et qu’ils se situent en majorité à gauche. On sait aussi qu’ils travaillent, pour la plupart, dans le public, l’associatif et le non-marchand. Par ailleurs, ce sont plutôt des urbains, ancrés dans les valeurs progressistes.

En même temps, ce core-business s’est nettement diversifié. Au sein des écologistes, on compte aujourd’hui de nombreux quadragénaires (le parti ne perce pas chez les plus de 60 ans). L’âge moyen du militant gravitait autour des 30-35 ans au cours des années 1980 et 1990.  » Ecolo a fidélisé sa base, qui vieillit avec lui « , déclare Jean-Benoît Pilet, politologue à l’ULB.

Enfin Ecolo arrive toujours en pole position auprès des  » primo-électeurs  » (ceux qui votent pour la première fois). Même si, depuis peu,  » son pouvoir d’attraction est concurrencé par les socialistes, notamment en matière de communication, avec un message qui insiste sur une image moderne et branchée du PS « .

Ecolo profite de la crise climatique

C’est dans l’air du temps : Ecolo a réussi à imposer ses idées au-delà de son public. Il touche des  » écocitoyens  » qui sont prêts à voter pour un parti qui répond aux fortes attentes environnementales. Et, ici, Ecolo est jugé le mieux à même de porter le dossier de l’environnement. Pour eux, mieux vaut opter pour l’original plutôt que pour la copie.  » Il y a clairement un vote « bobo » pro-Ecolo « , lance un ex-candidat Ecolo. Gauche, droite ? Aucune importance : les défis brûlants (énergie, pollution, réchauffement) concernent tout le monde et traversent les clivages.  » Ecolo pourrait à nouveau compter sur la mobilisation de ceux qui sont préoccupés par la crise climatique et qui ont voté pour lui en 2007 « , analyse André-Paul Frognier, professeur à l’UCL.

Ecolo fait un carton chez les mécontents de tous bords

C’est simple : il est le seul et vrai parti d’opposition, où d’ailleurs il excelle. Il en profite donc largement. Les coprésidents Javaux (surtout) et Durant offrent un front uni, sérieux, posé, ce qui rend les verts audibles et convaincants. Quant à la posture protestataire de leur chef de groupe au fédéral, Jean-Michel Nollet, elle leur réussit plutôt bien.

Aussi, les verts peuvent facilement s’appuyer sur les crises politique et financière.  » Leur discours – « On l’a toujours dit » – est resté clair et constant. Il est validé par les événements et lui apporte une légitimité supplémentaire : Ecolo peut se présenter aux électeurs comme un parti rationnel « , détaille François Heynderickx, professeur à l’ULB.

Cet électorat volatil est surtout décidé à sanctionner le parti d’Elio Di Rupo. Autrement dit, quand le PS va mal, Ecolo va bien. Le parti vert gagne par conséquent de nouveaux électeurs à gauche, notamment sur le volet socio-économique, l’un des deux axes du scrutin régional (avec celui de la nouvelle gouvernance).  » Lorsque Ecolo capte des électeurs socialistes, il s’agit des franges les plus favorisées du PS ; pas les couches populaires, qui reportent leur vote au centre-droit, souligne André-Paul Frognier. En outre, il ne faut pas sous-estimer l’impact des affaires politico-judiciaires sur le vote et toujours au centre de l’actualité. En 2007, c’était l’électeur Ecolo qui s’était montré le plus sensible aux scandales. « 

… et profite du choc économique

Ecolo ne sert donc pas d' » exutoire  » qu’aux déçus du PS. Le MR et le CDH lui cèdent aussi des électeurs résolus à rejeter une droite capitaliste, jugée responsable de la crise, et qui n’offre aucune porte de sortie. Or, justement, l’écologie politique tombe à pic. Ecolo apporte une réponse écologique à la transformation économique, propose un  » autre modèle de développement « .  » Il capte aussi des électeurs à droite sur le second axe de l’élection : le renouveau politique et la réforme démocratique, avec lesquels le MR est sur la même longueur d’onde « , poursuit le politologue Jean-Benoît Pilet.

En résumé, Ecolo  » pique  » des voix à tous les partis (attention : toutes les pertes des partis ne vont pas aux verts), sert de rempart contre l’extrême droite et de valeur refuge face au désintérêt à l’égard de la classe politique : sans lui, ces voix fileraient à la droite de la droite et à la gauche de la gauche.

Ecolo perd du terrain chez les enseignants

Ce n’est pas gagné : à la fin des années 1990, les verts avaient  » déchiré  » chez les enseignants. Ils avaient réussi à s’imposer au sein des professeurs, malmenés à l’époque. Les enseignants sont de fait un réservoir vert : ils possèdent un capital culturel qui dépasse leur capital économique.  » Ecolo fait encore un bon score auprès des enseignants, mais leur présence y est moins écrasante « , nuance Jean-Benoît Pilet.

Les syndicats dressent, eux, un bilan plutôt satisfaisant de la majorité PS-CDH au parlement communautaire.  » Cette majorité avait des moyens, et nous avons obtenu des avancées sur nos conditions de travail et une revalorisation des barèmes « , commente Prosper Boulangé, secrétaire général à la CSC-Enseignement.

C’est sur le décret Mixité que la bataille pourrait s’engager.  » Certes les profs, favorables, dans leur immense majorité, à davantage de mixité sociale, se sont opposés sur la mise en £uvre du décret, mais le combat est essentiellement mené par les parents « , ajoute Pascal Chardome de la CGSP-Enseignement. Ces parents mécontents pourraient donc bien confier leur vote au MR, voire au CDH.

Ecolo jouit-il d’un capital sympathie dans les médias ?

Ce n’est pas sûr. Là, deux thèses s’opposent. Il y a ceux qui déclarent que, logiquement, Ecolo rallie l’attention médiatique.  » Il est le seul parti dans l’opposition, il est donc normal que les médias lui accordent davantage de place « , déclare André-Paul Frognier. Puis il y a ceux qui affirment que les journalistes  » ont une proximité naturelle avec les verts « . Ils fréquentent les lieux où l’on cogite, et ces  » intellos plutôt progressistes et sans capital économique côtoient les écolos et les apprécient « .

Le mystère du 7 juin

Si les écolos devaient se hisser au pouvoir, avec qui, finalement, feront-ils équipe ? Tel est l’enjeu. En tout cas, Ecolo ne veut plus jouer le  » junior partner  » du PS. Il sait aussi que si les deux partis sont installés au pouvoir ils se cannibalisent. Avec le MR, alors ? A Bruxelles, il y a peu de chances.  » A l’intérieur du parti, les Bruxellois, ancrés plus à gauche, excluent de gouverner avec les libéraux. La coalition PS-CDH-Ecolo pourrait être reconduite. Dans le sud du pays, on peut imaginer un scénario différent : avec le MR, pourquoi pas, s’il s’agit d’envoyer le PS dans l’opposition, symbole de l’occupation du pouvoir en Wallonie et qu’Ecolo combat depuis toujours « , commente Jean-Benoît Pilet. Mystère…

S. G.

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