© GRAVURE SUR CUIVRE DE JULIUS MILHEUSER PUBLIÉE PAR JOHANNES BLAEU À AMSTERDAM EN 1649

Cernée par tant de puissants

 » Courtisée  » de tous côtés, la principauté de Liège a eu fort à faire pour éconduire les prétendants qui lorgnaient sur son territoire de 5 700 km2 peuplé de 400 000 habitants à la veille de disparaître en 1795.

Pays-Bas espagnols

L’alliance défensive conclue en 1518 entre le prince-évêque de Liège Erard de La Marck et le roi d’Espagne Charles Ier, futur Charles Quint, incommode les Liégeois. Lesquels renâclent à s’embourber dans la guerre civile et religieuse qui déchire les Pays-Bas voisins à partir du milieu du xvie siècle. Les lieutenants du roi catholique Philippe II d’Espagne, successeur de Charles Quint, ont bien du mal à obtenir une aide liégeoise dans la répression de l’hérésie protestante. Le pouvoir espagnol en déclin n’a plus les moyens de contraindre la principauté à honorer ses engagements et à sortir de sa  » bouderie officielle « , dixit l’historien Paul Harsin. Il se résigne à reconnaître la neutralité liégeoise en 1654, comme  » un aveu sans détour de l’abrogation d’une alliance  » caduque depuis longtemps.

Pays-Bas espagnols - Philippe II d'Espagne
Pays-Bas espagnols – Philippe II d’Espagne© BELGAIMAGE

Royaume de France

La monarchie française s’est habituée à compter les Liégeois parmi ses alliés qu’elle sait flatter à coups d’or et de promesses ou au besoin intimider. Travaillée par un parti français traditionnellement influent, Liège aime s’illusionner de ce qui n’est jamais que froid calcul politique. La  » petite France des bords de Meuse  » reste gagnée à  » l’idée de la protection tutélaire de la France « , selon l’historien liégeois Paul Harsin. L’entente cordiale se gâte sous Louis XIV, remuant et belliqueux monarque dont les appétits de conquête peinent à épargner le pays de Liège, maître de la grande voie stratégique qu’est la vallée de la Meuse. Les guerres louis-quatorziennes foulent aux pieds la neutralité liégeoise, dévastent et endettent la principauté. Période calamiteuse, qui force Liège à casser sa tirelire dans l’espoir souvent déçu de pouvoir rester hors de la mêlée.  » Ce n’est plus la neutralité gratuite de jadis, c’est une neutralité achetée « , a écrit Paul Harsin.

Royaume de France - Louis XIV
Royaume de France – Louis XIV© BELGAIMAGE

Impossible de rester au balcon lors de la guerre de la Ligue d’Augsbourg (1688-1697). Liège, membre du Saint-Empire germanique, doit rallier la coalition antifrançaise. Louis XIV en prend ombrage. Il fait alors subir à Liège, quatre jours durant (en juin 1691), un bombardement de terreur  » à boulets rouges  » qui rend inhabitables entre 1 400 et 1 500 maisons sur 8 000.

Provinces-Unies

La république protestante, issue de son divorce avec le régime catholique espagnol au xvie siècle, veille à ménager sur sa frontière méridionale la neutralité liégeoise qu’elle reconnaît officiellement en 1673. Mais le règne belliqueux de Louis XIV offre aux capitalistes hollandais une occasion en or de placer la principauté sous leur dépendance financière. C’est bien volontiers qu’ils délient les cordons de leur bourse lorsque les Liégeois cherchent à emprunter pour financer des troupes lors de la guerre de la Ligue d’Augsbourg (1688 – 1697). Désormais créanciers attitrés de la principauté endettée, les Hollandais sont avides d’exploiter le filon. Sous prétexte de se protéger de la France durant la guerre de Succession d’Espagne (1701 – 1713), ils installent des garnisons dans les forteresses de Liège et font mine de vouloir y rester pour longtemps.

Provinces-Unies - capitalistes hollandais
Provinces-Unies – capitalistes hollandais© DR

Saint-Empire romain germanique

Entre Liège et Vienne, l’ambiguïté règne en maître. Les Liégeois entendent être neutres mais ne peuvent oublier qu’ils sont vassaux de l’empereur. Et qu’à ce titre, ils ont des obligations financières et militaires à remplir envers le Saint-Empire germanique. S’acquitter de ces charges leur déplaît souverainement. Ils s’emploient à observer un service minimum en la matière, non sans contorsions. L’éloignement géographique de la capitale autrichienne, devenue lieu de résidence du souverain habsbourgeois, aide à relâcher les liens de dépendance. De son côté, le titulaire de la dignité impériale se montre généralement plutôt bon prince et tolérant, disposé à se passer du concours effectif des Liégeois. A condition de ne pas abuser de sa bienveillance. Et de répondre présent lorsque les intérêts du corps germanique tout entier sont en jeu et qu’ une guerre contre le Turc exige la contribution de tous.

Saint-Empire romain germanique - Charles Quint
Saint-Empire romain germanique – Charles Quint© BELGAIMAGE

Liège finit tellement par s’accoutumer à son autonomie qu’elle se met à nier l’existence même de liens juridiques qui viendraient l’entraver.  » Elle revendique un statut de ville libre et impériale ou de semi-république, comparable à Cologne « , précise Alexis Wilkin (ULB). Le contentieux atterrit devant la Chambre impériale de Spire, en Allemagne : un procès sans issue s’y enlise durant deux siècles dans la chicane juridique.

Duché de Bourgogne

Les ducs de Bourgogne des xive et xve siècles ont grand appétit de territoires, eux qui nourrissent l’ambition de déployer leur puissance de la Hollande à la Bourgogne. Impossible de ne pas croiser les Liégeois sur leur route. De ne pas buter sur la principauté épiscopale,  » seul obstacle à l’unification des provinces entre Rhin et France « , note Jean-Louis Kupper (ULiège). L’acharnement de Charles le Téméraire sur Liège en 1468 relève aussi de cette volonté d’effacer  » l’épicentre d’une enclave ecclésiastique considérable, enchâssée dans son royaume de Lotharingie « , explique Alexis Wilkin (ULB). La disparition du Téméraire en 1477, auquel succède sa fille Marie, sonne le glas de la puissance bourguignonne. Et libère Liège de sa menace.

Duché de Bourgogne - Charles le Téméraire
Duché de Bourgogne – Charles le Téméraire© BELGAIMAGE

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