La ville d'Hiroshima est au centre de l'exposition A Voyage into the Moon. © Luk Vander Plaetse

Cédric Noël

Avec Mira Sanders, Cédric Noël a déroulé, au Botanique, une pénétrante odyssée. Pour monter à bord de cette proposition difficile d’accès, il faut se laisser porter et accepter d’accorder du temps à une scéno- graphie immersive réservant une place importante à la fiction. A Voyage into the Moon raconte l’histoire de She, une mystérieuse astronaute dont le périple dit en filigrane notre rapport au réel.

Quel est le point de départ de A Voyage into the Moon ?

D’abord, il y a un voyage bien réel que Mira et moi avons fait au Japon en 2017. Nous ne savions pas ce que nous cherchions mais nous étions aimantés par l’idée de ces secrets qui travaillent les sociétés de l’intérieur. Nous sommes partis un mois, à bourlinguer entre Tokyo et Kumamoto, une ville moins connue située dans l’île de Kyushu. Au coeur du voyage, il y avait Hiroshima, qui se trouve au centre de notre exposition. Nous avons collecté une série de matériaux: des dessins, des vidéos, des sons. De retour en atelier, nous avons mis tout cela à plat pour en travailler les points aveugles, ce que nous ne connaissions pas de l’histoire de certains sites, voire des questions de société.

Si Hiroshima est le coeur de A Voyage into the Moon, est-ce parce que c’est un point aveugle par excellence?

Oui, nous y avons visité le Peace Memorial Park et nous en sommes ressortis avec un narratif qui ne nous convenait pas. Il nous a semblé que parler de « paix » pour un lieu comme celui-là était un insoutenable travestissement du réel. Nous avons gratté et nous sommes rendu compte qu’il n’y avait aucune information sur ce qui s’était passé par la suite, sur la reconstruction de la ville. Hiroshima a été abandonnée par les autorités en raison de la honte qu’elle représentait. Ce sont les yakuzas qui ont pris en charge sa reconstruction en échange de contreparties effroyables, notamment la prostitution des jeunes filles.

Quel lien faites-vous avec la lune?

Notre thèse d’artistes est la suivante: Hiroshima incarne le moment où la techno-science a détruit massivement l’humain ; des années plus tard, le drapeau américain posé sur la lune symbolise la destruction, la colonisation de la poétique qui lui est associée. Après la destruction des corps et de l’imaginaire, l’humanité a été nécessairement différente. C’est sur ce socle que nous avons construit notre rapport au monde.

Au Botanique, à Bruxelles, jusqu’au 6 février.

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