A Obourg, une des unités de production principales de CBR (ici en 1983). © photonews

CBR, la perte d’un joyau belge

Encore un ! Six ans après Côte d’Or, cinq ans après la Société générale de Belgique, voilà un nouveau fleuron national qui se fait racheter. Un poids lourd : en 1993, CBR est le huitième cimentier du monde occidental. Il emploie plus de 9 000 personnes, produit annuellement onze millions de tonnes de ciment, et affiche un chiffre d’affaires de 47 milliards de francs. Surtout, en Europe comme en Amérique, le groupe est en pleine croissance. N’était-il pas décidé à poursuivre sa consolidation ? Alors, comment expliquer son rachat par Heidelberger, son concurrent allemand ?

L’histoire est ancienne. En 1910, du côté de Turnhout, deux petites sociétés fusionnent : la Bonne-Espérance et la Fabrique de ciment Portland Artificiel de Loën. Dès 1924, alors qu’il est déjà leader sur le marché national, le groupe se dote du nom qui le rendra célèbre : Cimenteries et briqueteries réunies – ou CBR. Déjà, la firme suscite la convoitise. Au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, la Société générale de Belgique devient son premier actionnaire. Le puissant holding de la rue Royale, à Bruxelles, entreprend alors une rationalisation du secteur et soutient activement le développement du cimentier. En 1986, lorsque CBR attaque le marché nord-américain, il apparaît comme l’une des vedettes du capitalisme belge.

Arrive 1988. Pour contrer l’OPA de Carlo De Benedetti, la Générale livre son sort – et celui de ses filiales – aux Français de Suez. Dans un premier temps, cela ne semble guère changer grand-chose à Bruxelles. En avril 1991, Etienne Davignon, président du conseil de la Générale, affirme qu’aucun des joyaux ne sera vendu. Le capital de CBR est même augmenté. Il n’empêche, des rumeurs circulent. CBR est-elle en danger ? Il faut dire que le cimentier est trop grand pour ne pas susciter les convoitises. Mais trop petit pour être à l’abri des prédateurs…

En coulisse, divers scénarios sont étudiés. Le Français Gérard Mestrallet, l’homme de Suez à Bruxelles, s’imagine au départ conserver CBR. A un moment, il pense même faire de la Générale une société purement cimentière ! Mais l’option n’est pas retenue. Car les priorités de Suez commencent à changer. Donald Fallon, le patron de CBR, souhaiterait pour sa part que sa société acquière Heidelberger – ou, à tout le moins, fusionne avec son rival. Mais il n’est pas suivi par son actionnaire, qui a sacrément besoin de liquidités.

L’inévitable se profile : à défaut de pouvoir acheter, CBR va se faire racheter. Le 23 septembre 1993, lorsque Heidelberger lance son OPA amicale sur les parts de la Générale, Suez touche un pactole de 22,5 milliards de francs belges. En public, Fallon se montre beau joueur :  » Je ne porte aucun jugement et ne fais absolument aucune critique sur le choix de la Société générale. La vente était sa décision légitime en tant qu’actionnaire.  » Parmi les initiés, la surprise n’est pas grande. Il n’empêche, l’événement fait office de tournant : dorénavant, Suez sera considéré comme le fossoyeur des joyaux de la Générale. Ce que les faits ne confirmeront qu’en partie.

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