Cafouillages périlleux

Motus et bouche cousue. A Rocourt, samedi dernier, où il tenait son congrès préélectoral, pas de pomme de discorde, tous serraient les rangs. Normal. Le parti n’avait-il pas frôlé la catastrophe ? C’était il y a une semaine à peine.  » Un vent favorable  » avait, en effet, fait s’envoler une note confidentielle mijotée par des collaborateurs de Joëlle Milquet jusqu’à la rédaction de notre cons£ur La Dernière Heure qui la publiait illico (édition du 22 avril 2009).  » Un brouillon que je n’ai même pas lu « , assurera la présidente quelques heures plus tard. Un véritable brûlot, pourtant, pour le CDH.

Sujet privilégié du document : des propositions qui devaient être discutées au congrès du 25 avril dans la perspective du 7 juin prochain. Une bombe ! Ne prévoyaient-elles pas, entre autres, l’autorisation généralisée du port du foulard dans les écoles de la Communauté française (interdit actuellement dans 95 % des cas par les chefs d’établissement), étendue à la fonction publique jusqu’ici sagement tenue à l’écart du débat ? La fuite (orchestrée par des parlementaires bruxellois en désaccord avec leur présidente) provoquera un tel tollé qu’il allait ébranler l’ensemble des démocrates humanistes. Confusion, discorde, embrouillaminis, militants et dirigeants se retrouvaient au c£ur de la tourmente. Démenti, replâtrage de façade, marche arrière toute, Joëlle Milquet n’abordera même pas le sujet qui fâche à Rocourt. Comme s’il ne s’était rien passé.

Et pourtant ! N’avait-elle pas autorisé ses collaborateurs à déplacer le curseur dans ce dossier potentiellement explosif, ranimant ainsi inévitablement des tensions latentes entre laïques et défenseurs d’une politique plus favorable à la nouvelle réalité sociologique de la capitale ? Certes, les balises posées jusqu’ici avec grande difficulté sur ce sujet sensible sont fragiles, mais elles ont calmé provisoirement le jeu et ramené la paix dans les écoles. Le temps des élections peut-être. De la réflexion, aussi. Et certains de dénoncer une man£uvre purement électoraliste. On sait le CDH mal en point, tout particulièrement à Bruxelles où il risque de glisser en 4e position. Toutes les voix comptent désormais. Dont celles, précieuses, des musulmans ? Une stratégie bien hasardeuse, toutefois. Avec, pour effet désastreux, un flou réel pour l’électeur. Un pas en avant, deux pas en arrière, quel est le vrai projet de Mme Milquet, qui revendique par ailleurs le maroquin de l’Enseignement en cas de participation au futur gouvernement de la Communauté française ? Que doit-on conclure de toutes ces péripéties ? Que faut-il comprendre ? Le CDH a-t-il un plan caché pour demain ?

 » Apprendre aux hommes à vivre ensemble est une longue bataille qui n’est jamais complètement gagnée. Elle nécessite une réflexion sereine, une pédagogie habile, une législation appropriée et des institutions adéquates. Pour avoir vécu au Levant avant d’émigrer en Europe, j’ai souvent eu l’occasion d’observer quelle différence cela faisait pour une société humaine lorsqu’une telle bataille était engagée avec détermination et subtilité, et lorsqu’elle était négligée, ou conduite maladroitement, et d’une manière incohérente « , observe Amin Maalouf dans son dernier livre Le Dérèglement du monde (Grasset).

La sagesse même. On ne bégaie pas, on tergiverse encore moins autour de sujets aussi délicats que le multiculturalisme et qui exigent du sur-mesure. Certainement pas du nébuleux, du brumeux, de l’obscur. Dans la perspective du 7 juin, plus que jamais l’électeur attend du CDH, comme de tousles autres partis d’ailleurs, des positions claires, transparentes au moment de glisser son bulletin dans l’urne.

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