Rosanne Mathot © xzarobas

C’était bien, chez Laurette

Rosanne Mathot
Rosanne Mathot Journaliste

Où il est question de la possible reconversion artistique de Laurette Onkelinx, d’une performance féministe à l’arbalète et d’une mystérieuse averse dans le Café Geyser.

Au début, ce n’était qu’une petite eau qui semblait glisser du ciel. Anodine. Une fuite. Et encore. A peine. C’était plutôt comme un léger goutte-à-goutte, dans un coin du café. Pour être précis, ça faisait un peu le bruit d’un type qui pisse contre un mur. Evidemment, personne ne s’est inquiété. Seule anomalie véritablement notable : la lumière. Elle paraissait rousse, comme oxydée par l’eau de pluie.

 » Une autre tournée ?  » : pour faire diversion, entre les gouttes, Goliarda, la nouvelle serveuse, venait de remplir une kyrielle de petits godets transparents. Sur ses épaules, l’eau moussait, comme une chevelure frisottante. Tout en lançant un coup d’oeil inquiet vers la patronne, elle referma énergiquement sa bouteille de grappa d’un seul coup de paume bien senti. Les autres, les clients, levèrent mollement les yeux vers le comptoir, allèrent se servir et se remirent à faire claquer leurs cartes.

Dehors, la nuit était dense. Liquide. Une pluie incessante ruisselait sur les tuiles. Ce soir-là, le café semblait plus grand, plus imposant que d’habitude. Sous l’averse, il prenait une allure de péniche, il semblait flotter, se positionner très légèrement de travers, sur la houle boueuse du trottoir.

Chtack ! Un projectile jaillit subitement d’un coin de la pièce, brilla furtivement dans la lueur des phares qui passait par la fenêtre, et alla s’encastrer dans le plafond. Immédiatement, l’eau tomba drue. A l’intérieur. Comme un déluge.  » Je l’ai eu ! Le nuage, dans le coin ! Je l’ai perforé, je l’ai fait pleurer !  » (1)

La tireuse d' » arbalète pleureuse  » riait sous l’averse. Elle portait le cheveu noisette coiffé au carré et le sein gauche nu comme une brioche tiède. La porte d’entrée s’ouvrit d’un coup. Sans raison. Tout le monde se tut. Une rafale de vent mouillé s’engouffra dans le café, qui évoquait de plus en plus la cabine d’un bateau fou voyageant au hasard. On referma la porte. On observa, en tremblant, l’amazone de la Senne. Tous les regards étaient sur elle, lancés avec l’intensité folle du joueur de boules qui vise le cochonnet. La tireuse avait un je-ne-sais-quoi de Laurette Onkelinx.

La brune au sein nu posa enfin son arme. Le café reprit ses esprits. Celle qui avait des airs de Laurette réajusta son corsage et commanda un marc. En s’ébrouant, elle s’essuya les lèvres du revers de la main et elle expliqua simplement :  » Je vous avais bien dit que j’avais envie d’autre chose « . (2)

Mais c’est pas tout ça, l’heure tourne ! Où est encore passé le serveur ? S’agirait pas de louper le film qui va démarrer sur la Une, à 20 h 15….

(1) Actuellement exposée au palais de Tokyo, à Paris, l’artiste et scénographe Marie-Luce Nadal a mis au point une performance artistique et féministe nommée Faire pleurer les nuages. Elle se sert d’une  » arbalète pleureuse  » dans laquelle elle intègre des bouts de soutien-gorge.

(2) La présidente de la fédération bruxelloise du PS, Laurette Onkelinx, a annoncé son retrait de la vie politique.

Rosanne Mathot

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