» C’est ingérable faute de moyens « 

Le Bureau du Plan serait bien placé pour évaluer le coût des programmes électoraux : son patron, Henri Bogaert repousse délicatement la patate chaude.  » Nous sommes déjà surbookés, impossible d’absorber ce travail supplémentaire. « 

A la saison des élections, revient le temps des belles promesses. Des engagements solennels virilement lancés sur les plateaux télé ou devant des militants conquis d’avance. C’est aussi la valse endiablée des milliards que les ténors des partis se jettent à la figure avec un aplomb monstre et la quasi-certitude de ne pouvoir être pris en flagrant délit de mensonge.

PS et MR ont récemment montré l’étendue de leur savoir-faire sur le terrain fiscal :  » Une réforme fiscale à 5 milliards !  » ont lancé les libéraux.  » Insensé, elle coûtera 20 milliards !  » ont riposté les socialistes. Nuance de taille.

Franchement, est-ce bien raisonnable ?  » Difficile à dire. La plupart des promesses électorales correspondent à ce que les partis jugent défendables dans les médias « , relève le politologue Pierre Verjans (ULg.) Rien de tel pour les inciter à lever le pied qu’une évaluation financière confiée à des mains expertes et réputées au-dessus de la mêlée. Si elles existent, c’est à la Cour des comptes ou au Bureau fédéral du Plan qu’elles se nichent.

Henri Bogaert fait la grimace. La perspective d’hériter de cette patate chaude ne fait pas bondir de joie le commissaire au Plan. Rien que d’y songer, la mission lui donne le tournis. Les partis défilent dans sa tête : socialistes, libéraux, démocrates-chrétiens, démocrates humanistes, écologistes, nationalistes flamands, fédéralistes francophones, extrême droite, extrême gauche. Une douzaine de formations politiques au bas mot, dont les engagements électoraux chiffrés seraient à passer au peigne fin.

Un terrain piégeux

Travail titanesque, techniquement complexe, politiquement hypersensible. Et certainement au-dessus des forces actuelles du Bureau du Plan. Henri Bogaert s’en explique au Vif/L’Express.  » Tout cela est bien beau et bien gentil, mais ingérable avec les moyens dont nous disposons. Nous sommes déjà surbookés, il est impossible pour nous de faire davantage et d’absorber la masse de travail supplémentaire que représenterait cette évaluation financière. Car on sait que le diable se cache dans les détails.  »

On sait aussi que le terrain est piégeux. Tout n’est pas parfaitement mesurable, ce qui fausse déjà l’exercice, relève un économiste anversois :  » C’est le cas des revenus des indépendants, des revenus indirects via des sociétés, des revenus de la taxation mobilière et immobilière.  » On peut aussi faire confiance aux partis pour brouiller les pistes. Pour tenter d’égarer les experts en entourant d’un écran de fumée les données financières fournies. Pour ensuite chercher à leurrer l’électeur en simplifiant à outrance les évaluations que les analystes auront rendues avec un luxe de précautions et le sérieux nécessaire.

Grosse pression sur le Bureau du Plan. Il fera inévitablement des partis mécontents. Ses sentences ne seront jamais prises pour paroles d’Evangile. Henri Bogaert pose des conditions, avant d’imaginer pouvoir embarquer son institution dans une telle aventure : » L’exercice ne me paraîtrait envisageable que sur une base volontaire des partis, dans le cadre d’une procédure bien établie, et moyennant l’obtention de ressources financières et de moyens humains supplémentaires.  » Et pour autant aussi que les copies chiffrées des partis parviennent aux experts dans des délais raisonnables :  » Recevoir les programmes électoraux moins de trois mois avant un scrutin rendrait impossible tout examen sérieux.  »

Autant demander au monde politique de lever le nez du guidon bien avant les élections. Autant lui demander de décrocher la lune.

P. Hx

Réforme fiscale : PS et MR se jettent les milliards à la figure

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