Bye-bye Belgium à la flamande

La trêve communautaire aura tenu deux mois. Le 24 novembre dernier, la gravité de la situation économique n’a plus empêché Marino Keulen (Open VLD), ministre de l’Intérieur du gouvernement flamand, de déterrer la hache de guerre. Pour la deuxième fois, il a signé un arrêté dans lequel il refuse la nomination des bourgmestres francophones de Linkebeek, Crainhem et Wezembeek-Oppem, communes à facilités de la périphérie bruxelloise. Keulen a agi avec le seul soutien de son parti, soucieux de soigner son image de  » bon Flamand « . Kris Peeters (CD&V), ministre-président flamand, avait tenté de le convaincre de patienter. Il ne voulait pas hypothéquer le dialogue de Communauté à Communauté sur une réforme de l’Etat. Bien vu. Les présidents des partis francophones ont demandé des  » éclaircissements « . Peeters et son gouvernement ont soutenu Keulen. Résultat: le débat institutionnel est suspendu. Voire mort-né. Mais gagner du temps n’est pas la meilleure façon de préparer l’avenir.

Voici vingt ans, la Belgique a vécu au rythme d’un autre carrousel, celui des Fourons. Cependant, à l’époque, Flamands et francophones étaient encore disposés à s’asseoir à une même table pour trouver une solution. Cette volonté semble ne plus exister.

Autre exemple symptomatique ? La VRT prépare une émission qui fait penser au Bye-bye Belgium tellement controversé de la RTBF (2005). Le 30 novembre prochain, pour son magazine Panorama, la télévision publique flamande va réunir douze experts au château de Groenenberg, à Lennik (près de Bruxelles). Pendant une journée, cette assemblée va plancher sur l’avenir de la Belgique et envisager tous les scénarios possibles, sans tabous, y compris celui de la scission du pays. Les solutions préconisées pour Bruxelles, la sécurité sociale, la dette de l’Etat, etc., seront ensuite testées sur le terrain et feront l’objet de reportages diffusés en janvier 2009.

Les douze experts ne sont pas représentatifs des clivages belges. Et pour cause : les Flamands ont répondu massivement à l’appel. Le  » belgicain  » Mark Eyskens (CD&V) côtoiera Bart De Wever (N-VA) ; Johan Vande Lanotte (SP. A), l’économiste Paul De Grauwe (ex-VLD), etc. Mais les francophones ont été nombreux à décliner l’invitation, comme Laurette Onkelinx (PS), Jean-Michel Javaux (Ecolo), Joëlle Milquet (CDH), Hervé Hasquin (MR)… et aussi Eric Domb (Union wallonne des entreprises). Auraient-ils eu peur d’apparaître comme de  » mauvais francophones  » à discuter d’une réforme de l’Etat avec des Flamands ? Ce serait un comble. Le 30 novembre, les francophones seront représentés par quatre personnes, dont Rudy Aernoudt, le Flamand qui vient de lancer le parti LiDé en Wallonie, et Karl-Heinz Lambertz (PS), ministre-président de la Communauté germanophone !

Cette désertion francophone est interpellante. L’exercice est délicat, mais nécessaire. Il ne faut rater aucune occasion de se frotter aux opinions contradictoires et de se préparer aux revendications de ses  » adversaires « . Par le passé, de la fixation de la frontière linguistique aux clés de répartition désavantageuses, les Wallons et les Bruxellois ont en effet trop souvent fait preuve d’amateurisme dans l’élaboration de compromis. Ce qu’ils paient encore très cher.

Rédactrice en chef

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