BURUNDI

Olivier Rogeau
Olivier Rogeau Journaliste au Vif

Le Burundi avait tout, ou presque, pour en finir avec sept années de guerre civile. Mais l’offensive rebelle sur Bujumbura et la faiblesse du régime hypothèquent le processus de paix

« Les détonations de mortiers et de grenades ou le bruit des tirs d’armes automatiques, c’est la routine pour nous, s’exclame un expatrié belge, installé au Burundi depuis sept ans. Mais, cette fois, à « Buja », on se demande quand même où tout cela va nous mener… »

Depuis le 24 février, quand a commencé la grande offensive de la guérilla hutu sur la capitale burundaise, les combats meurtriers font rage nuit et jour dans la périphérie nord de la ville. Les rebelles des Forces nationales de libération (FNL), infiltrés dans le secteur plusieurs jours avant le début des opérations, ont poussé des milliers de civils à fuir Kinama, le faubourg hutu qu’ils occupent. Ils ont aussi pilonné au mortier le quartier voisin de Ngagara et plusieurs zones résidentielles. L’armée, à dominante tutsi, réplique en engageant dans la lutte des moyens de plus en plus lourds. Elle utilise des blindés et, cette semaine, elle a même fait intervenir l’aviation.

Pris entre deux feux, les 52 000 habitants de Kinama et ceux des quartiers proches sont exposés à la faim, à la soif et à la maladie. Ils s’entassent par dizaines de milliers dans des camps de fortune, alors que des responsables d’ONG parlent d’une situation sanitaire « catastrophique ». Les violences n’ont en fait jamais cessé dans les quartiers nord de la capitale, où attaques rebelles, opérations militaires et bombardements sont quasi quotidiens. En général, les combats redoublent d’intensité à mesure que se rapproche la date d’un éventuel cessez-le-feu.

Cette fois, l’offensive rebelle, la plus importante depuis plusieurs années, a coïncidé avec la tenue d’un sommet régional organisé en Tanzanie pour relancer le processus de paix. Cette réunion s’est soldée par un échec. Les partis d’opposition ont repoussé les propositions de Nelson Mandela. Le médiateur sud-africain suggérait de scinder en deux temps la période de transition et de maintenir au pouvoir le major Pierre Buyoya pendant le premier terme de dix-huit mois. « Ici, on se demande maintenant comment le président va s’en sortir, confie une journaliste burundaise. Récusé par les partis hutu et par la plupart des partis tutsi, qui lui préfèrent un autre candidat pour diriger la transition, il est en position d’extrême faiblesse. »

L’attaque rebelle est, par ailleurs, survenue au lendemain de l’éviction du chef historique des FNL. Cossan Kabura a été écarté pour avoir « engagé des négociations avec le pouvoir de sa propre initiative ». Les FNL, comme les FDD, l’autre mouvement armé hutu, rejettent l’accord de paix signé à Arusha, en août 2000. Mais le FDD a entamé des contacts directs avec le pouvoir et Kabura s’y préparait lui aussi. Il a été remplacé par un leader plus radical, Agathon Rwasa, qui commanderait plus de 90% des troupes des FNL concentrées autour de la capitale. « Depuis quelque temps, ces combattants, dont beaucoup n’avaient que des gourdins et des machettes, se sont aguerris et sont désormais mieux équipés, constate un officier burundais. Ils ont reçu des armes et portent des uniformes, les mêmes que l’armée, qui doit parfois mettre des brassards pour reconnaître ses éléments ! »

Le mouvement rebelle, bras armé du Palipehutu (Parti pour la libération du peuple hutu), compterait 2 000 hommes. Des guerriers qui cultivent le paradoxe. Protestants rigoureux assimilés à la secte adventiste, ils prient longuement avec un pasteur avant toute opération et attaquent en chantant : « Nous sommes sauvés, nous sommes les enfants du Christ ! » Ils se disent « guidés par le Saint-Esprit » pour une seule mission, « libérer le peuple hutu » et assurent que le « Dieu des armées » les protège. Mais ces « enfants du Christ » se sont déjà rendus tristement célèbres : on les a vus aligner, le long des routes, les têtes, encore coiffées de leurs bérets, des soldats tombés entre leurs mains…

Olivier Rogeau

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