la difficulté majeure provient de la surenchère de termes compliqués. Lorsqu'un patient ignore ce qu'est un kyste ou ce que recouvre exactement la notion d'hypertension, cela accroît évidemment le risque de perturbations dans la transmission de l'information. © istock

 » Bravo, votre résultat est négatif ! « 

Si la langue est en principe un outil qui nous relie, force est de constater que ce n’est pas toujours vrai dans un contexte médical. La communication soignant-soigné peut être source de malentendus et d’incompréhension.

Imaginez : vous allez voir votre médecin avec l’un ou l’autre symptôme qui vous préoccupe, pour en avoir le coeur net. Mais lorsque vous sortez de son cabinet, vous réalisez que vous n’avez finalement entendu que :  » Oui, cette toux est un peu préoccupante et devrait faire l’objet d’examens plus poussés « . Le reste de l’explication vous est passé complètement au-dessus de la tête, sans oser avouer au médecin que vous n’aviez pas tout compris.

 » Depuis quelque temps, les formations médicales et paramédicales portent un intérêt croissant à la communication avec les patients, mais en ne focalisant souvent que sur le déroulement de l’échange, au travers de conseils comme : ‘Annoncez les mauvaises nouvelles d’emblée, sans tourner autour du pot’. En ce qui concerne les termes, les formulations et même le ton à privilégier au cours des soins, par contre, l’information fait souvent cruellement défaut « , explique Frans Meijman, professeur de médecine générale au centre médical universitaire d’Amsterdam et spécialiste de la communication médicale.

 » Vous avez un kyste  »

Pour la majorité des gens, la difficulté provient de la surenchère de termes compliqués. Lorsqu’un patient ignore ce qu’est un kyste ou ce que recouvre exactement la notion d’hypertension, cela accroît évidemment le risque de perturbations dans la transmission de l’information.  » Parfois, ce n’est toutefois pas le mot lui-même qui pose problème, mais le sens dans lequel il est utilisé, ajoute le Dr Meijman. Le terme de migraine, par exemple, est souvent utilisé par les patients pour désigner des maux de tête particulièrement pénibles ; en jargon médical, il s’agit au contraire d’une maladie bien spécifique. Si le médecin et le patient veulent être sûrs de bien se comprendre et d’éviter les malentendus, il est donc important que chacun s’assure de savoir ce que l’autre entend par un terme donné.  »

Le jargon n’interfère avec la communication qu’en l’absence d’explication. » Frans Meijman, professeur de médecine généralE

Pour Frans Meijman, le jargon médical en tant que tel n’est toutefois pas le pire des écueils pour une bonne communication médecin-patient.  » On reproche souvent aux médecins d’utiliser une sorte de langage secret. Je ne défends évidemment pas le recours à une formulation inutilement difficile mais au fond, le jargon médical n’est rien d’autre que la terminologie d’un champ professionnel bien précis. Quand votre plombier vous parle d’un syphon ou d’un col de cygne, vous ne comprenez sans doute pas non plus de quoi il s’agit à moins qu’il ne vous l’explique ! Il arrive que le recours à un terme spécialisé soit inévitable et, pour autant que le médecin ou soignant prenne la peine d’en ‘traduire’ le sens, cela ne devrait pas être problématique. ‘Cette petite boule sur votre poignet est un kyste, une tuméfaction bénigne remplie de liquide articulaire visqueux’ : comme le démontre cet exemple, le jargon n’interfère avec la communication qu’en l’absence d’explication !  »

 » Bonne nouvelle, votre résultat est négatif !  »

Ce qui prête bien plus à confusion que le jargon médical, poursuit Frans Meijman, c’est l’utilisation de termes et de formules  » ordinaires  » qui ont un sens différent dans un contexte médical et risquent donc de mettre le patient sur la mauvaise piste. À l’annonce d’un résultat  » négatif « , vous ne vous attendrez sans doute pas spontanément à une bonne nouvelle, puisque ce terme a dans le langage courant une connotation défavorable. Ce n’est donc que lorsque le médecin vous expliquera que cela signifie que le test n’a rien révélé d’anormal que vous pousserez un soupir de soulagement.

 » Autre exemple : votre mère est hospitalisée aux soins intensifs et on vous explique que son état est stable. Vous vous sentez donc rassuré(e) et vous vous dites qu’elle va bien… alors qu’un état de santé préoccupant aussi peut être stable.  » Même la notion d’opération ou d’intervention peut parfois semer le doute.  » Ce sont évidemment des termes tout à fait courants, mais il est toujours utile que le médecin précise quel est exactement le but poursuivi. Une personne qui souffre d’un problème persistant au niveau du genou, par exemple, risque de s’imaginer à tort qu’on va enfin la soulager – puisque la notion d’opération évoque évidemment en premier lieu un traitement – alors qu’il est tout à fait possible que le but soit simplement, dans un premier temps, d’aller regarder à l’intérieur de l’articulation pour mieux évaluer la situation.  »

Les informations qui touchent à la santé ou à la maladie peuvent être lourdes de sens et très délicates à faire passer. Il n'est donc pas surprenant que les médecins ou infirmiers craignent parfois d'inquiéter inutilement le patient.
Les informations qui touchent à la santé ou à la maladie peuvent être lourdes de sens et très délicates à faire passer. Il n’est donc pas surprenant que les médecins ou infirmiers craignent parfois d’inquiéter inutilement le patient.© istock

 » Vous pourriez encore avoir mal pendant un moment  »

Les informations qui touchent à la santé ou à la maladie peuvent être lourdes de sens et très délicates à faire passer. Il n’est donc pas surprenant que les médecins ou infirmiers craignent parfois d’inquiéter inutilement le patient et se retranchent derrière des formules vagues comme  » Nous avons vu quelque chose sur la radio  » (mais quoi ? ),  » Faites attention avec l’alcool lorsque vous prenez ce médicament  » (faut-il limiter sa consommation ou ne pas boire du tout ? ).  » Il peut arriver qu’eux-mêmes n’aient aucune certitude, par exemple lorsqu’il est question du décours d’une maladie ou des effets secondaires d’un traitement, souligne le Dr Meijman. Souvent, ces détours visent toutefois à éviter la confrontation ou à ne pas inquiéter le patient. Certains malades préfèrent du reste un soignant qui leur explique les choses en douceur plutôt que de se montrer trop explicite. Le médecin devra donc toujours peser le pour et le contre.  »

Si le médecin et le patient veulent être sûrs de bien se comprendre, il est important que chacun s’assure de savoir ce que l’autre entend par un terme donné. » Frans Meijman, professeur de médecine générale

Lui-même n’est pas favorable à un discours trop flou.  » Je plaide plutôt – en fonction de la situation – pour que le soignant soit le plus spécifique et le plus concret possible. Dire à un patient qui vient d’être victime d’un infarctus et qui se tord de douleur qu’il faudra encore un moment avant que le mal ne s’apaise, par exemple, n’est pas une bonne idée. Ce ‘moment’ correspond en effet sans doute à une fourchette de temps bien concrète dans l’esprit du médecin… mais pour le patient, cela veut-il dire une heure, une journée, une semaine ? ‘Je vais vous administrer un médicament pour calmer la douleur ; elle ne disparaîtra pas complètement, mais vous devriez avoir moins mal d’ici quelques minutes’ sera alors beaucoup plus clair.  »

 » Il va vous falloir un peu de temps  »

Privilégier  » pour être sûr  » un langage simple et compréhensible par tous est-il forcément une bonne idée ? Non, affirme Frans Meijman : simplifier à outrance, au-delà du fait que cela écorne parfois la réalité, risque d’offenser le malade ou lui donner l’impression que le médecin ne le prend pas au sérieux.  » Lui recommander de bien prendre ses pilules ou l’avertir que la piqûre risque de faire un peu mal risque fort de passer pour de la condescendance. Il n’est pas non plus souhaitable d’aller tout lui expliquer comme s’il ne connaissait rien à rien. Les malades chroniques (et leurs aidants proches), en particulier, se familiarisent au fil du temps avec le jargon propre à leur pathologie, et il est souvent important pour eux de s’approprier ces termes. Ceci leur permet en effet de mieux comprendre ce que leur dit le médecin, de mieux décrire leurs symptômes ou même de consulter la littérature scientifique de leur côté – bref, cela accroît leur résilience. C’est un peu comme d’apprendre une langue étrangère : si vous partez régulièrement en vacances en Angleterre, il est toujours pratique de parler quelques mots d’anglais. « 

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