Bras de velours ?

En inscrivant la croissance en haut de l’agenda européen, François Hollande a gagné une première manche. De là à changer le fond des choses.

Chance, anticipation, audace ? En tout cas, François Hollande a remporté le premier set du match France-Allemagne, celui de la communication. Le gentil qui veut faire de la croissance, soulevant l’espoir de Madrid à Athènes, c’est lui, le nouveau président de la République française. La méchante qui veut faire ployer les peuples européens sous le joug de l’austérité, c’est elle, Angela Merkel, la chancelière allemande.

En réalité, le climat a changé. Fin 2011 et début 2012, les dirigeants de la zone euro jouaient les pompiers pour sauver leur monnaie. Le souci de la croissance n’était pas absent, mais n’était pas politiquement porté. François Hollande s’en fait le héraut. Pourtant, ce succès cache d’énormes ambiguïtés. Elles ont occupé l’agenda européen du 15 mai, date de sa première rencontre avec Angela Merkel. Il en sera de même du sommet des 28 et 29 juin, agenda perturbé par l’urgence de la situation grecque.

Si François Hollande s’en tient aux quatre points du mémorandum présenté à la presse le 25 avril, le problème est quasi résolu. Ce qu’il demande – augmenter, de diverses manières, la capacité d’investissement de l’Europe pour doper la croissance – est déjà étudié par la Commission européenne et acceptable (après négociation) par les Allemands. Il peut donc remporter une victoire politique, mais avec quelle efficacité économique ?  » Prôner une meilleure utilisation des fonds publics européens est une bonne chose, mais, si elle en reste là, l’ambition serait modeste « , analyse Jean Pisani-Ferry, directeur du cercle de réflexion Bruegel, à Bruxelles.

Aller plus loin rendrait l’engagement hollandiste plus crédible, mais c’est risquer un Nein franc et massif. Dans une interview à Slate.fr (recueillie le 4 mai), le futur président avançait une piste qui ne figure pas dans ses quatre points du 25 avril : permettre à la Banque centrale européenne (BCE) de refinancer directement les Etats pour garantir leur solvabilité. Fin 2011, le débat sur cette mesure, soutenue par Nicolas Sarkozy, fit rage. Les Allemands s’y opposèrent avec succès : on ne touche pas à la BCE !

Hollande doit aussi afficher le visage de la rigueur

Aller plus loin, c’est aussi risquer de fâcher les Français. La croissance, les Allemands sont pour, mais avec leurs idées : l’activité doit venir de la compétitivité, et, pour cela, il faut des réformes de structures, notamment la réduction des dépenses publiques, la flexibilité du marché du travail. Des orientations qui ne figurent pas dans le projet de François Hollande et qui seront peu audibles en France avant les élections législatives (10 et 17 juin).

Les positions sont-elles irréductibles pour autant ? Hollande sait qu’il doit aussi afficher le visage de la rigueur et il vient de le faire en réitérant ses engagements – ramener les déficits publics à 3 % du produit intérieur brut en 2013 – alors que la Commission de Bruxelles les évalue à 4,2 %. Les Allemands, eux, savent qu’ils doivent bouger. Dans une interview à Focus (7 mai), leur ministre des Finances, Wolfgang Schäuble, se disait favorable à une hausse des salaires dans son pays, quitte à enregistrer un peu plus d’inflation. Une manière de redonner de la compétitivité à ses voisins. Et de se montrer à la hauteur de la fonction à laquelle il aspire : la présidence de l’Eurogroupe (forum des ministres des Finances des 17 pays de la zone euro). La désignation à ce poste dépend beaucoup de la France.

CORINNE LHAÏK

La croissance, les Allemands sont pour, mais avec leurs idées

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