Bourgmestres à la vie, à l’amour

Ettore Rizza
Ettore Rizza Journaliste au Vif/L'Express

A une encablure du scrutin communal, Le Vif/L’Express a sondé les 281 maïeurs wallons et bruxellois. Parmi les conclusions : la plupart adorent leur fonction, mais les plus heureux ne sont pas ceux qu’on croit…

(1) Questionnaire en ligne anonyme, lien envoyé par courriel. Enquête menée du 11 juillet au 1er septembre 2012 avec un taux de réponse de 49,5 %. Les trente questions peuvent être consultées à l’adresse raccourcie suivante : bit.ly/OLKvtc

Comment se portent nos bourgmestres ? Dans l’ensemble assez bien, merci pour eux. Neuf sur dix s’estiment plutôt satisfaits, voire très satisfaits, de leurs conditions de travail. Pour preuve, la même proportion se représentera au scrutin communal du 14 octobre. Mieux : plus d’un sur deux n’envisage pas de lâcher volontairement son écharpe avant l’âge de la retraite. Pourtant, la majorité juge que ces mêmes conditions de travail se sont dégradées au cours des dernières années. Et si les finances communales constituent leur principale préoccupation, ainsi que leur grande priorité, la sécurité vient en second. Voilà du moins quelques-uns des enseignements que l’on pourrait tirer du sondage exclusif organisé par Le Vif/L’Express à l’approche des communales (1).

Une première. Jamais les 262 bourgmestres wallons et leurs 19 homologues bruxellois n’avaient été interrogés de concert. Le résultat n’en paraît que plus exceptionnel : près d’un sur deux (139) a rempli le questionnaire. Il faut savoir que dans la majorité des enquêtes en ligne, un taux de retour de 10 % est jugé satisfaisant.

Leur portrait : mûr, diplômé et chevronné

Dans la course à l’hôtel de ville, les plus jeunes ne partent pas favoris : les deux tiers des répondants sont âgés de 51 à 70 ans. Ce sont aussi des mandataires d’expérience, puisque les trois quarts siègent au conseil communal depuis au moins douze ans et près de deux sur trois ont déjà été échevins. Côté études, une forte majorité (87 %) possède un diplôme de l’enseignement supérieur, tandis qu’un sur sept (14 %) a décroché un 3e cycle universitaire. Environ la moitié exerce un autre métier à côté, principalement en tant que salarié du secteur public (22 %) ou profession libérale (15 %). Notons la présence d’un… comédien.

Un bourgmestre sur trois siège par ailleurs dans une autre assemblée (conseil provincial, Chambre, Sénat, parlement régional…). Enfin, 21 répondants exercent à la fois un autre métier et siègent dans une autre assemblée. Ce sont les 15 % les plus bosseurs. Ou les plus cumulards, c’est selon.

Leurs affinités : CDH en tête, FDF bon dernier

Nous avons demandé aux bourgmestres de décrire leurs affinités avec les cinq grands partis qui dirigent au moins une commune wallonne ou bruxelloise. Nonante et un répondants (65 %) ont indiqué leur  » affinité totale  » avec l’une de ces formations. Ce sont les seuls auxquels on peut attribuer une couleur politique avec certitude. Là, le MR semble l’emporter ( lire encadré en page 38).

Si l’on s’intéresse maintenant aux partis qui recueillent de  » nombreuses affinités « , le CDH prend sa revanche : plus d’un répondant sur quatre (27 %) dit en avoir avec les humanistes, contre 22 % pour le PS et 18 % pour le MR. Un sur dix reconnaît également de nombreuses affinités avec Ecolo et… un sur cent avec le FDF. Les Fédéralistes démocrates francophones ne se démarquent que dans une catégorie, celle du parti qui récolte le plus de  » aucune affinité  » : 56 %.

Détail significatif : parmi les bourgmestres qui affichent leur adhésion totale au MR, près d’un sur deux assure n’avoir  » aucune affinité  » avec le FDF… dont leur parti a divorcé voici un an à peine. C’est nettement plus que leurs 36,5 % de dédain envers Ecolo (voir tableau en page 36). En politique, les anciennes amitiés peuvent s’oublier fort vite.

Leurs priorités : trésorerie, sécurité, cadre de vie…

Question : quelle importance accordez-vous aux actions politiques suivantes ? Les deux tiers des bourgmestres ont plébiscité l’équilibre financier de la commune ( voir tableau en page 38). Egalement sur le podium :  » lutter contre l’insécurité  » (55 %) et  » protéger l’environnement et le cadre de vie  » (52,5 %). Logique : les bourgmestres sont légalement responsables de la sécurité et se réservent souvent le portefeuille des Finances.

Si l’on examine les réponses à l’aune des préférences politiques, les MR rejoignent les FDF sur la sécurité (tous deux environ 65 % de  » priorité absolue « ), contre à peine 29 % pour les PS et… 93 % des 15 bourgmestres explicitement CDH. Précisons que les répondants pouvaient indiquer plusieurs  » priorités absolues  » et que les bourgmestres humanistes en ont usé avec le plus de générosité. Le seul Ecolo du sondage (sur deux bourgmestres en Wallonie) n’en a mentionné qu’une : favoriser l’accès au logement.

Leur état d’esprit : l’argent n’est pas tout

Plutôt épanouis, les bourgmestres. Septante-trois pour cent se disent  » plutôt satisfaits  » des conditions d’exercice de leur fonction et 15 % sont même  » très satisfaits « . Six sur dix confient que la fonction leur apporte  » plus de joie que de soucis « . L’un d’eux ne ressent même qu’une joie pure. A l’inverse, un seul se dit  » pas satisfait du tout « . Il fait pourtant partie des 90 % qui se représenteront aux élections ce dimanche. Dix bourgmestres annoncent jeter l’éponge et s’en expliquent surtout par le souci de  » laisser la place aux jeunes  » et  » car il faut savoir s’arrêter « .

Ce n’est pas l’avis de la majorité de leurs confrères. S’ils étaient réélus sans discontinuer, 52 % aimeraient rempiler jusqu’à l’âge de la retraite. Bourgmestre, le job de rêve ? A nuancer. Plus de 60 % estiment que les conditions dans lesquelles ils exercent leur mission ont évolué  » négativement  » ces dernières années, tandis que seuls 26 % pensent l’inverse. Par ailleurs, les  » plus de soucis que de joie  » forment tout de même près d’un tiers des réponses.

Trois causes de difficultés reviennent le plus souvent en première position : la hausse des dépenses obligatoires (25 %), la crise économique et le manque de recettes financières (16 % chacun). Toujours le nerf de la guerre donc.

Les bourgmestres de communes cossues seraient-ils donc plus heureux que les autres ? Même pas : ceux qui indiquent un revenu moyen par habitant  » sensiblement inférieur  » à leur moyenne régionale sont nombreux à se dire  » plutôt satisfaits  » ou  » très satisfaits « . Plus que ceux dont ce revenu est  » sensiblement supérieur « . Le seul  » pas satisfait du tout  » se trouve d’ailleurs à la tête d’une commune aux revenus  » supérieurs « .

En matière de bien-être personnel, ce n’est pas non plus la taille qui compte. Les bourgmestres des communes rurales de moins de 10 000 habitants semblent aussi satisfaits que les maïeurs de villes de plus de 80 000 habitants. Mais les  » petits  » sont proportionnellement moins nombreux à se dire comblés et comptent une proportion supérieure de  » plutôt insatisfait « .

Bref, l’argent ne fait pas toujours le bonheur, et celui-ci ne se trouve pas nécessairement dans le pré.

ETTORE RIZZA

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