Bourgmestre, nom masculin

Michel Delwiche
Michel Delwiche Journaliste

Depuis les élections de 2006, les partis doivent présenter des listes composées d’autant de femmes que d’hommes. Les quotas ont fait évoluer la représentation des femmes dans les conseils communaux. Mais la proportion s’amenuise dès que les responsabilités augmentent.

La bourgmestre est là.  » J’ai un caractère fort, et être femme ne m’a jamais aidée en politique « , affirme Jacqueline Galant (MR), bourgmestre depuis 2001 de Jurbise (10 162 habitants), une commune située au nord de Mons que son père a dirigée pendant dix-huit ans. Elle s’intéresse en particulier, à la commune comme à la Chambre, à la sécurité, une matière qualifiée de masculine. Pourquoi d’ailleurs, demande-t-elle, cantonner les femmes dans des matières dites féminines, comme le social ou l’enseignement ?  » En tout cas, répond-elle, les quotas, c’est la fausse bonne idée. Je suis contre et j’ai toujours été contre. On ne peut pas obliger les femmes à faire de la politique, à faire campagne alors qu’elles ont tant d’autres obligations. C’est contraire au modèle familial. Moi je ne suis pas concernée pour l’instant, mais je vois comment cela se passe autour de moi. Nathalie Vanclaire par exemple, une de nos conseillères CPAS, ne se représente plus… « 

 » J’ai 37 ans, explique celle-ci, et je suis enceinte de mon 4e. Je suis infirmière indépendante, et je viens de reprendre les affaires de maman. Cela me plaît, ce mandat de conseillère CPAS, mais cela représente une telle somme de travail, et je ne suis pas capable de faire deux trucs à moitié. Mon mari est vraiment de très bonne volonté, mais il n’est pas là tout le temps. Et moi, avec la vaisselle, l’aspirateur, le linge, les enfants… Femme et politique, est-ce incompatible ? J’ai prouvé le contraire, mais là… « 

Le petit marchepied nécessaire

Magda de Galan (PS), bourgmestre de Forest (53 654 habitants), n’a pas non plus eu besoin des quotas pour se faire élire conseillère communale en 1982, et puis être, tour à tour, échevine, députée, ministre et aujourd’hui députée bruxelloise.  » Le quota, cela peut être un petit marchepied nécessaire, estime-t-elle, même si l’idée est compliquée. Nous avons plus de candidats masculins. On essaie d’attirer de jeunes mamans, mais l’implication en soirée, le week-end, les marchés, les kermesses au boudin… Sans compter les couples éclatés, les gardes alternées… On veut solliciter des femmes jeunes, avec des bébés, des enfants, qui sont représentatives de notre société. La politique ne doit pas être réservée aux femmes plus âgées, aux célibataires, à celles qui n’ont pas d’enfants, ou aux bourgeois-bohèmes qui ont les moyens de se payer des nurses.  » Forest est une commune qui ne manque pourtant pas de réserves : une bourgmestre et trois échevines dans la majorité, et, dans les autres partis, Catherine Van Zeeland (CDH), Corinne de Permentier (MR) ou Evelyne Huytebroeck (Ecolo). Mais en octobre, Magda de Galan laissera la tête de liste à un homme…

Un 3e métier

 » Il est difficile de trouver des femmes actives qui ont envie de se lancer « , dit de son côté la députée bruxelloise Martine Payfa (FDF), bourgmestre de Watermael-Boitsfort (24 393 habitants) depuis 1995, à la tête d’un collège majoritairement féminin. Sa mère, Andrée Payfa-Fosseprez, a été, en 1976, la première femme-bourgmestre de la Région bruxelloise.  » La politique, dit-elle, c’est pour les femmes un 3e métier, après la profession et les enfants. Souvent, elles manquent de confiance en elles. Elles n’acceptent que des matières dans lesquelles elles n’ont pas peur de se tromper. C’est pourquoi il faut les aider à se lancer. C’est plus difficile pour elles, mais une fois qu’elles se sont décidées, elles vont jusqu’au bout. Nous avons connu une époque où les femmes s’engageaient, mais nous sommes sur une voie descendante, il va falloir se rebattre. C’est pourquoi je suis favorable au système des quotas, et je considère qu’il est indispensable d’aller chercher des femmes pour donner du souffle à la politique, et il faut les y encourager. Je suis par contre moins favorable au principe de la tirette, qui nous empêcherait de mettre trois hommes, ou trois femmes, en tête de liste, même si nous jugeons que ce sont les meilleur(e)s. « 

La Région bruxelloise devrait en effet être la première à imposer, pour les élections communales, la  » tirette  » sur les listes, à savoir un strict respect de l’alternance des genres. La proposition d’ordonnance a été acceptée en mars dernier par tous les partis démocratiques. Ce sera pour 2018 car, pour 2012, certaines listes étaient déjà formées. La Wallonie pourrait suivre. C’est un pas plus loin que la parité actuelle qui impose que  » les deux premiers candidats doivent être de sexes différents  » (ce qui a permis l’élection de 47 femmes grâce à l’effet dévolutif de la case de tête) et que  » l’écart entre le nombre de candidats du même sexe ne peut être supérieur à 1 « . Soit quasi autant de candidat(e)s de chaque sexe, mais pas forcément en alternance systématique.

Des quotas… d’hommes

 » Oui, c’est normal qu’on impose des quotas « , pense, elle-aussi, Denise Laurent (PS), bourgmestre de Trooz, en région liégeoise (8 430 habitants). Mais chez elle, ce sont des quotas d’hommes qu’il faudrait imposer. L’idée la fait sourire. Le collège communal ne compte en effet que deux hommes, soit un échevin et le président du CPAS, pour quatre femmes.  » C’est parce qu’on fait plus de travail avec des femmes qu’avec des hommes, déclare-t-elle, ce serait donc une aberration de s’en passer, et il faut les y encourager. Mais il faut des hommes aussi. La parité doit être la règle. Moi je n’ai pas eu besoin des quotas, mais c’est parce que je suis tombée dans la politique par hasard et je suis bourgmestre depuis 24 ans. On est venue me chercher parce que j’étais déjà au service des gens. J’ai été élue pour la première fois en 1982, et je me suis retrouvée seule dans l’opposition, et seule femme du conseil (sur 19). J’avais une trouille bleue.  » En octobre, la liste sera emmenée par un homme, Fabian Beltran, le président du CPAS. Denise Laurent la poussera sans doute. Elle avoue qu’elle quittera ses fonctions avec un gros pincement au c£ur,  » surtout par rapport à tout le personnel communal « .

La parité en vigueur depuis 2006 a fait évoluer les choses. Avant, la Wallonie ne comptait que 26 % de conseillères communales, pour 35 % aujourd’hui, et 21 % d’échevines pour 28 %. Mais les femmes-bourgmestres ne sont toujours que 22 en Wallonie, qui compte 262 communes, et quatre en Région bruxelloise, qui en compte 19. Parmi les bourgmestres de la province de Namur par exemple, une seule femme, à Walcourt. Et encore Christine Poulain n’a-t-elle pu ceindre l’écharpe maïorale qu’il y a deux ans, grâce à la démission de son prédécesseur.

MICHEL DELWICHE

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