Bose, chercheur très écouté

A 78 ans, le discret fondateur du géant de l’acoustique rejoint Edison et Bell au panthéon américain des inventeurs. Parcours d’un homme sans bruit… et sans successeur désigné.

Il faut le voir déplier ses presque 2 mètres et débouler du fond de la salle où il s’était caché pour observer la réaction du visiteur. Celui-ci vient de se faire piéger par un curieux effet d’acoustique. Le quatuor de Purcell qu’il croyait sorti de cinq enceintes disposées autour de la pièce (des leurres, en réalité) est le produit de deux minuscules haut-parleurs qui tiennent dans une seule main. Alors, le visage d’Amar Bose, fier de son coup, se barre soudain d’un sourire de gamin. A 78 ans…

Malgré sa naissance aux Etats-Unis, son enfance a été imprégnée de culture indienne. Les récits de son père ont accompagné ses premiers pas. Au début des années 1920, celui-ci avait fui Calcutta pour échapper au British Raj – l’Inde colonisée par les Britanniques. Alors, à Philadelphie, dans le foyer modeste des Bose, l’ordinaire, c’était plats traditionnels et préceptes liés à la persévérance et au dépassement de soi.

Cette philosophie va beaucoup servir à Amar quand, élève au lycée d’Abington (Pennsylvanie), il bricole des heures durant son vieux récepteur radio. Ou, plus tard, quand il réussit à convaincre Y. W. Lee, son professeur au MIT, d’investir ses économies dans son projet d’entreprise.

Un joli placement ! Quarante-quatre ans plus tard, la start-up est devenue une société de 9 000 employés sur laquelle Amar Bose veille depuis la Montagne, terre-plein surélevé dans la banlieue nord de Boston. Les murs de son bureau sont recouverts de tableaux blancs qu’il noircit d’équations issues de ses dernières idées. Comme celle qui lui est venue dans les années 1980, à bord d’un vol transatlantique, alors qu’il était abasourdi par le vacarme qui l’empêchait de comprendre ses interlocuteurs. En avant pour le casque antibruit ! Destiné au départ aux pilotes, l’invention a vite été plébiscitée par les clients de long-courriers.

C’est l’un des hits qui ont propulsé l’entreprise au premier rang de l’acoustique grand public. Impossible en revanche de connaître le montant exact des bénéfices, tous consacrés à la recherche fondamentale, laquelle mobilise 1 salarié sur 6. Bose peut se permettre d’être discret : il n’a jamais souhaité introduire son entreprise en Bourse. La raison ? Eviter à tout prix de devenir l’esclave du profit à court terme. Il en faut de la patience pour faire éclore une découverte, comme ce système de suspension électromagnétique dévoilé en 2004, après vingt-quatre ans de recherche ultrasecrète.

Cela n’empêche pas Bose d’afficher une jolie palette de références, de la salle de cinéma de Broadway aux hôtels Sofitel, en passant par Porsche, Maserati et Alfa Romeo. Sans parler de La Mecque, de Saint-Pierre de Rome et de la grande synagogue de Strasbourg, dont les prières sont retransmises par du  » made by Bose « … Un £cuménisme qui lui a valu d’accumuler les récompenses, y compris sur l’aspect esthétique de ses produits, comme le Red Dot Design, à la mi-juillet, en Allemagne.

Petite cerise sur le gâteau : l’homme, dont Forbes évalue la fortune à 1,8 milliard de dollars, a été admis en avril dernier au Hall of Fame, le gotha national des inventeurs, pour l’ensemble de ses découvertes. Son nom y côtoie désormais ceux de Thomas Edison (électricité) ou de Graham Bell (téléphone). Ah ! la reconnaissance éternelle… Mais que deviendra l’entreprise sans lui ? Si, depuis trois ans, ce violoniste a confié la gestion quotidienne à l’ingénieur Bob Mareska, il ne pipe mot sur l’avenir du géant de l’acoustique, dont il possède toujours plus de 60 %. Sans doute annoncera-t-il le nom de son dauphin au tout dernier moment. Se moquer des contraintes du temps, encore et toujours.

Guillaume Grallet

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